Le Temps

La crise de nerfs de la droite

- R. W.

La surenchère de François Fillon place son camp politique devant le pire des choix: rester uni au risque de tout perdre à la présidenti­elle et aux législativ­es

«Je crois au respect de la parole donnée. Elle est indispensa­ble à la crédibilit­é de la politique. Or François Fillon avait dit, le 26 janvier, qu’il renoncerai­t s’il était mis en examen…» Ces phrases, une seule personnali­té de droite de premier plan les a pour l’heure prononcées, en annonçant mercredi aprèsmidi sa démission de l’équipe du candidat de la droite: son ancien adversaire à la primaire Bruno le Maire.

Que feront, demain, les autres ex-rivaux du candidat résolu à ne pas renoncer? La décision de l’UDI (centre) de suspendre sa participat­ion à la campagne, et le début d’une rébellion au sein des députés de droite (Pierre Lellouche, proche de Nicolas Sarkozy, qui parle d’un «point de non-retour») attestent de la gravité des fractures. «Pour la droite, tout est en train de basculer, expliquait hier l’ancien député européen libéral JeanLouis Bourlanges, partisan du retrait de François Fillon depuis le refus du Parquet national financier (PNR) d’abandonner les poursuites. Non seulement la présidenti­elle sera perdue, mais les législativ­es seront une débâcle. Car les électeurs ne comprennen­t plus.»

La crise de nerfs de la droite française explique le déroulemen­t de la journée folle de mercredi, durant laquelle le candidat Fillon a, à plusieurs reprises, été en vain sommé de renoncer. Il est 7h45 lorsque ce dernier reporte sa visite prévue au Salon de l’agricultur­e, où l’attendent déjà des caméras. La convocatio­n judiciaire du 15 mars, tombée un peu plus tôt, a déclenché un début de panique. Le «conciliate­ur» président du Sénat, Gérard Larcher, affirme alors à ses proches que «ce n’est plus possible». La communican­te Anne Méaux, très critiquée pour sa gestion du «Penelopega­te», reçoit des cascades d’appels. Certains journalist­es croient même, vers 10h30, que tout est plié. Alain Juppé est de nouveau donné comme «plan B». Erreur. Sauf que… «Tout a changé depuis le 6 février. Ils restent unis autour de lui, mais ils ne croient plus à sa campagne», reconnaît un porte-parole du candidat Fillon, en référence à la conférence de presse tenue alors par l’ancien premier ministre.

Hourras et huées

La campagne: c’est le talon d’Achille. A l’image de l’accueil réservé hier à François Fillon au Salon de l’agricultur­e. Il est 15h. Des hourras se font d’abord entendre. Puis des huées, ponctuées d’insultes. Les mots «voleur», «tricheur» et «imposteur» empêchent l’ex-député de la Sarthe de s’exprimer. Une ambiance d’affronteme­nt qui, depuis plusieurs semaines, décourage ses troupes. Lundi à Meaux, ville de son ex-rival pour la présidence de l’UMP Jean-François Copé, aucun bain de foule ou rencontre inopinée avec les gens n’a pu avoir lieu. La semaine précédente, à Tourcoing (Nord), l’énergique maire sarkozyste de la ville, Gérald Darmanin, a avoué sa «déprime» à la presse régionale. Comment briser ce cercle vicieux de l’isolement alors que partout, les militants anti-Fillon se mobilisent pour compliquer sa venue ou interrompr­e ses prises de parole?

«De son côté, c’est la surenchère. Au sein de la droite, c’est le délitement programmé. Toutes les haines sont parties pour remonter à la surface», parie un cadre du PS. La grande manifestat­ion de soutien à François Fillon annoncée pour dimanche à Paris permettra-t-elle aux dirigeants de la droite et à l’électorat conservate­ur de se resouder? «Gagner la présidenti­elle, c’est convaincre au-delà de son camp», résume JeanChrist­ophe Lagarde, de l’UDI. Comme pour mieux dire que ce n’est plus possible.

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