Le calendrier de la paix prend du retard
Un an avant les élections de 2018, la droite dure fait campagne contre l’accord avec la guérilla des FARC
Personne n’avait prédit que la paix serait facile. Trois mois après la signature de l’accord historique qui a mis fin à cinquante-deux ans de conflit avec la guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC, extrême gauche), les difficultés de sa mise en application accaparent l’attention des responsables politiques et des médias colombiens. Le calendrier de la remise des armes a pris du retard, alors qu’il devait commencer le mercredi 1er mars.
Un an avant les élections législatives et présidentielle de 2018, la droite dure fait campagne en contestant les dispositions de l’accord de paix. Les ratés au démarrage des négociations avec l’autre guérilla, l’Armée de libération nationale (ELN, castriste), contribuent à la morosité.
Ces complications sur le chemin de la paix font oublier les avancées. Près de 7000 guérilleros des FARC ont rejoint les 26 points de rassemblement accordés, en vue de leur désarmement. Partout dans le pays, le cessez-le-feu bilatéral avec l’armée est respecté. Et, à Quito, les délégués de l’ELN sont assis à la table des négociations avec les négociateurs du gouvernement colombien.
Le dimanche 26 février, l’ELN a revendiqué l’attentat qui avait tué un policier et blessé 26 personnes dans le quartier de la Macarena, en plein centre de Bogota, le 19 février. Deux kilos d’explosif avaient été placés aux abords des arènes, où la police était déployée pour assurer la sécurité de la dernière corrida de la saison. Ces charges d’explosif et de mitraille ont été placées et activées par un «commando urbain de l’ELN», qui visait la police antiémeute et qui exige un cessez-le-feu bilatéral immédiat.
«Une situation difficile»
«Les guérilleros de l’ELN se trompent complètement, s’ils croient obtenir une suspension des hostilités en commettant des actes terroristes. Un cessez-le-feu sera possible quand l’ELN fera le choix de la désescalade du conflit, et non pas celui de son intensification», a répondu Juan Camilo Restrepo, le chef négociateur du gouvernement.
Pour le chercheur Frédéric Massé, professeur à l’Université Externado de Colombie, «le gouvernement est dans une situation difficile: il ne peut ni céder à l’ELN, ni accepter un cessez-le-feu sous la pression des bombes, ni se lever de la table des négociations». Il a fallu trois ans de pourparlers secrets et de difficiles tractations avant que ces négociations avec les «Elenos» ne s’engagent officiellement, le 7 février. «Celles avec les FARC ont duré quatre ans et l’ELN entend bien ne pas être traité en guérilla de deuxième classe», expliquait Juan Camilo Restrepo au Monde, quelques jours avant l’attentat. A Quito, où se tient la première phase des négociations, l’optimisme est pour le moins mesuré.
En Colombie, les FARC accusent le gouvernement de ne pas tenir ses engagements. «Les guérilleros ont tenu parole, assure Tania, une porte-parole des FARC. Ils se sont regroupés dans les zones. Mais les infrastructures et les conditions de vie y restent extrêmement précaires.» Les autorités admettent que les difficultés logistiques ont dépassé tous les calculs. La construction des logements provisoires promis aux démobilisés avance très lentement.
L’ONU, qui contribue à la vérification du cessez-le-feu et qui doit recueillir les armes des guérilleros, s’en est inquiétée. Pour leur part, les FARC n’ont pas encore remis au gouvernement la liste complète de leurs membres et de leurs armes. L’organisation invoque, elle aussi, des difficultés d’ordre pratique.
Aux termes de l’accord de paix, les FARC devaient avoir déposé 30% de leurs armes au 1er mars et la totalité d’ici au 1er juin 2017. Le chef de la délégation de l’ONU, le Français Jean Arnault, a suggéré une modification du calendrier. Le gouvernement s’est ouvertement agacé de cette intervention.
«Il est clair que les délais prévus par l’accord étaient trop courts. Cette question du calendrier est un détail au vu de l’enjeu», considère Jorge Restrepo, directeur du Centre de ressources pour l’analyse des conflits. Selon lui, «la vraie question est de savoir si les FARC vont bien remettre toutes leurs armes, et le vrai problème concerne le sort des miliciens dont l’accord ne parle pas». Les miliciens sont les civils, souvent armés, qui de près ou de loin ont aidé les FARC. Leur nombre, incertain, se chiffre en milliers.
Assassinats politiques
Pour les guérilleros des FARC, le vrai problème reste celui de leur sécurité. Selon l’organisation non gouvernementale Somos Defensores, 80 personnes ont été assassinées en 2016 en raison de leur activité politique ou de leur engagement associatif. Depuis le début de l’année, 17 meurtres ont encore été enregistrés. Les victimes sont des défenseurs des droits de l’homme, des dirigeants paysans qui se battent pour récupérer leurs terres, des écologistes ou des Indiens qui s’opposent à l’exploitation – légale ou illégale – des ressources minières sur leur territoire, et des militants de gauche, notamment du parti Marche patriotique. Les organisations sociales et les FARC dénoncent une résurgence des milices paramilitaires d’extrême droite.
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