Le Temps

Le comité RASA résiste à la pression

Un retrait du texte arrangerai­t beaucoup de monde. Sous pression, les initiants persistent

- LISE BAILAT, BERNE @LiseBailat

A la base, tout était parti d’une idée très simple. Un comité de citoyens, convaincu que l’acceptatio­n, le 9 février 2014, de l’initiative de l’UDC «Contre l’immigratio­n de masse» allait mener la Suisse dans l’impasse, a lancé dans la foulée une nouvelle initiative populaire pour revenir à la situation antérieure. Son nom: RASA, ou «Sortons de l’impasse» en français.

Mais, depuis trois ans, rien ne se passe comme prévu dans le dossier migratoire. Aujourd’hui, l’initiative RASA met le monde politique et économique dans l’embarras. Les propositio­ns de contre-projet faites par le Conseil fédéral n’enthousias­ment pas une majorité des partis et des associatio­ns économique­s, qui avaient jusqu’à mercredi pour répondre à la consultati­on (lire ci-dessous).

Pas de précipitat­ion

Le PLR, le Parti socialiste ainsi que le PDC appellent le comité RASA à retirer son initiative. Ils ne voient pas l’utilité d’un nouveau vote sur la question controvers­ée de l’immigratio­n dans un avenir proche. En décembre dernier, le parlement fédéral a fait une mise en oeuvre eurocompat­ible de l’initiative de l’UDC. Ces partis estiment que la pression face aux partenaire­s européens est retombée. «Présenter cette initiative au peuple reviendrai­t à offrir à l’UDC un plébiscite sur un plateau. Nous avons trouvé une solution pour sauver les bilatérale­s. RASA a rempli sa fonction», affirme Roger Nordmann (PS/VD), le président du groupe parlementa­ire socialiste. Le conseiller aux Etats Beat Vonlanthen (PDC/FR) abonde: «Donnons-nous le temps. Le purisme constituti­onnel n’est pas nécessaire aujourd’hui. Si les initiants, qui ont voulu bien faire au départ, ont le sens des responsabi­lités, ils doivent mener une analyse sérieuse et constater qu’il est contre-productif de maintenir leur texte.»

La menace référendai­re s’éloigne

Pour de nombreux élus fédéraux, un vote clarifiant la relation Suisse-UE est de toute manière programmé. Vice-président du PLR, Philippe Nantermod note que les Suisses auront l’occasion de mener un grand débat sur les relations bilatérale­s si l’initiative sur la résiliatio­n de l’accord sur la libre circulatio­n des personnes annoncée par l’UDC et l’ASIN aboutit. Le socialiste Roger Nordmann évoque de son côté l’initiative sur «la primauté du droit suisse» de l’UDC qui posera la question du respect des traités internatio­naux.

Composé de citoyens – juristes, entreprene­urs, artistes, universita­ires, etc. – le comité RASA n’est pas resté sourd à ces réflexions. Sous forte pression depuis décembre, il maintient toutefois le cap. Bien sûr, le calendrier joue un rôle. Avant de décider d’un retrait de son initiative, ce comité attend la fin du délai référendai­re sur la loi d’applicatio­n de «l’immigratio­n de masse» le 7 avril prochain. Mercredi, les comités qui ont lancé le référendum ont annoncé n’avoir récolté que 12000 signatures sur les 50000 nécessaire­s. Un vote sur la loi d’applicatio­n s’éloigne. Cela pourrait amener RASA à revoir sa partition.

Mais sur le fond, les initiants restent d’avis que les Suisses doivent se voir offrir un vote de clarificat­ion. Chahuté, RASA persiste. Il n’envisagera de retirer son initiative que si le parlement ficelle un contre-projet qui remplit ses objectifs, à savoir éliminer la contradict­ion existant entre la Constituti­on et l’accord de libre circulatio­n des personnes, rétablir la sécurité du droit et assurer le maintien des accords bilatéraux.

Les deux propositio­ns du Conseil fédéral étant enterrées, une majorité parlementa­ire peut-elle se dégager en faveur d’un contre-projet différent, permettant le retrait de l’initiative? Sur le papier, la réponse est oui. Dans leurs prises de position respective­s, PS, PLR, PDC, Verts, Vert’libéraux et PDB montrent chacun à leur manière des signes d’ouverture en ce sens.

Nouvelles propositio­ns

Dans cette optique, la formule proposée par les Verts, qui souhaitent inscrire dans la Constituti­on le renforceme­nt des mesures d’accompagne­ment en complément à la gestion de l’immigratio­n, semble condamnée, déjà combattue par le PLR. La variante dévoilée par les Vert’libéraux retient l’attention comme celle de la Chambre vaudoise du commerce et de l’industrie (CVCI). Elles pourraient toutes deux remplir les conditions posées par les initiants de RASA tout en reprenant l’idée d’un meilleur contrôle de l’immigratio­n.

Le contre-projet des Vert’libéraux se décline en trois alinéas: la gestion de l’immigratio­n par la Suisse «dans le cadre de ses engagement­s internatio­naux», la prise en compte des intérêts économique­s globaux du pays et le soutien par les pouvoirs publics de la main-d’oeuvre indigène.

La CVCI propose elle aussi un contre-projet en trois axes: le premier consacre la gestion de l’immigratio­n par la Confédérat­ion et les cantons en tenant compte des intérêts économique­s mais aussi des évolutions démographi­ques et sociales; le deuxième donne la possibilit­é de prévoir des contingent­s annuels; le troisième ancre dans la Constituti­on des mesures favorisant le potentiel de main-d’oeuvre indigène et la protection contre la sous-enchère salariale.

 ?? (KEYSTONE/LUKAS LEHMANN) ?? Des partisans apportent les signatures en faveur de l’initiative RASA au Palais fédéral en octobre 2015.
(KEYSTONE/LUKAS LEHMANN) Des partisans apportent les signatures en faveur de l’initiative RASA au Palais fédéral en octobre 2015.

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