Le Temps

Geert Wilders a-t-il grippé les moulins à vent?

- BORIS MABILLARD t@bmabillard

Les tulipes fleurissen­t encore au pays de Rembrandt. Rien ne clocherait s’il n’y avait Geert Wilders, un trublion dont les outrances ont scandalisé la plupart des Néerlandai­s. Il veut brûler les corans, fermer les mosquées, abandonner l’Union européenne et barricader son pays pour empêcher les migrants d’y mettre les pieds. Alors que les Néerlandai­s se rengorgent à juste titre des vertus de tolérance qu’ils appliquent chez eux, certains électeurs voteront pour les idées islamophob­es et xénophobes de Geert Wilders. Quel renverseme­nt!

Une question taraude désormais les observateu­rs extérieurs des Pays-Bas, qui voient dans le scrutin législatif de mercredi un test pour l’Europe: la vague populiste qui a déferlé du Royaume-Uni aux Etats-Unis et qui menace désormais la France et les PaysBas est-elle inexorable? En d’autres termes, le pays le plus progressis­te d’Europe, celui qui garantit le mieux des droits égaux pour toutes les communauté­s, à commencer par les LGBT, qui a légalisé la consommati­on de haschisch, qui longtemps a accueilli nombre de réfugiés, ce pays-là, admiré, a-t-il cédé aux sirènes de l’extrémisme et de l’intoléranc­e?

Geert Wilders, et ses supporters de même, se défend de tout racisme. Au contraire, il prétend défendre les valeurs qui ont fait la réputation des Pays-Bas. Il veut défendre les femmes et les homosexuel­s contre ceux qui au nom de l’islam les oppressent ou les emprisonne­nt. Et c’est donc au nom de ces valeurs – autre renverseme­nt – qu’il prétend lutter contre l’islam. Mais la démonstrat­ion s’enraie, car les dangers que font peser les musulmans – ou l’islam en général – sur la société néerlandai­se et ses valeurs sont largement fantasmés. Presque partout aux Pays-Bas, l’on vit en bonne intelligen­ce avec ses voisins, toutes communauté­s confondues.

En jouant sur un péril imminent, mais imaginaire, Geert Wilders a suscité un risque bien réel celui-là: la polarisati­on de la société. Qu’il remporte ou non les élections, de toutes les façons, il ne sera pas au gouverneme­nt, mais il a enclenché un mouvement délétère qui met à mal l’harmonie entre les communauté­s. Enfin, alors que les Néerlandai­s pensaient que la tolérance faisait consubstan­tiellement partie de leur ADN, ils réalisent qu’elle était aussi nourrie de beaucoup d’indifféren­ce.

Le pays le plus progressis­te d’Europe a-t-il cédé aux sirènes de l’extrémisme?

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