Le Temps

Vert’libéraux et PBD à la croisée des chemins

Après la déroute des fédérales de 2015, les deux petites formations du centre cherchent un deuxième souffle et vivent des dynamiques opposées. Les élections cantonales neuchâtelo­ises, vaudoises, puis bernoises seront déterminan­tes

- LISE BAILAT, BERNE @LiseBailat

Après les fédérales de 2015, les deux petites formations du centre repensent leur stratégie, en quête d’une formule gagnante. Les Vert’libéraux optent pour des positions plus offensives. Le PBD, moins vindicatif, mise toujours sur sa rente d’ancien parti gouverneme­ntal.

D’ordinaire, pour défendre leurs troupes, les présidents de parti sont toujours prompts à embellir la situation. Ce n’est pas le style de Martin Landolt: «Ici, tout le monde se fiche désormais de nos positions», affirme sans détour le chef de file du Parti bourgeois-démocratiq­ue (PBD). Le «ici» de Martin Landolt, c’est le parlement fédéral. Depuis les élections de 2015, le PLR et l’UDC, avec leurs 101 représenta­nts au Conseil national, ont moins souvent besoin d’alliés pour créer des majorités. Cela vaut pour le PBD, mais aussi pour le Parti vert’libéral (PVL).

Les deux petites formations du centre se retrouvent ainsi dans une situation délicate. Difficile de réapprendr­e à exister différemme­nt lorsqu’on a joué le rôle envié d’arbitre pendant une législatur­e. Jeunes partis, auréolés de la prime à la nouveauté en 2011, défaits en 2015, ils sont contraints de chercher un second souffle. Pour cela, ils sont en train d’adopter des méthodes opposées.

La stratégie

La complément­arité ne fait plus recette. Pour exister, les Vert’libéraux se vendent comme la seule alternativ­e du centre aux partis traditionn­els. «Je n’ai pas peur de dire qu’entre l’UDC et le PS, il faut montrer qu’une troisième voie est possible. Et c’est la voie vert’libérale», affirme Isabelle Chevalley (PVL/VD), la seule élue fédérale romande du parti, qui assume une certaine part de provocatio­n par rapport au PLR et au PDC. C’est aussi cela le nouveau style vert’libéral: depuis quelques mois, la communicat­ion se veut délibéréme­nt plus offensive. Les prises de position écolos-urbaines sont assumées: soutien in fine à l’initiative RASA, au mariage civil pour tous, opposition aux subvention­s pour le monde agricole, etc.

Ce style fait aussi école dans les cantons. A Neuchâtel, la section du PVL mène campagne sous le slogan «Le printemps de Neuchâtel». «Les gens en ont ras le bol des querelles de clocher. Honnêtemen­t, le lieu d’implantati­on des hôpitaux n’est pas un projet de société! Nous voulons attaquer les problèmes de fond et mettre en avant les qualités et les richesses de notre canton», affirme Mauro Moruzzi, président de la section cantonale.

A l’inverse, même après avoir perdu sa conseillèr­e fédérale Eveline Widmer-Schlumpf et du même coup son rôle de parti gouverneme­ntal, le PBD n’a pas changé sa manière de faire de la politique. Le président, Martin Landolt, défend sa ligne comme la meilleure réponse aux «mouvements populistes». Il loue les vertus de la patience et n’hésite pas à faire le lien entre son parti et le succès rencontré par le mouvement citoyen apolitique Operation Libero. «Je vois ces jeunes progressis­tes, courageux, qui défendent un pays moderne, ouvert et libéral. Nous partageons 99% de leurs valeurs. Ce n’est qu’une question de temps avant que Libero choisisse le PBD comme son parti.»

La communicat­ion

Privé de son siège au Conseil fédéral, le Parti bourgeois-démocratiq­ue disparaît peu à peu des écrans radars médiatique­s. «Je reçois aujourd’hui un quart des appels de journalist­es que j’avais avant, reconnaît Martin Landolt. Nous savons bien qu’avec notre politique raisonnabl­e, orientée vers des solutions, nous n’arrivons pas à faire du spectacle. Ce n’est pas notre compétence.» Martin Landolt s’y résout: «Nous sommes devenus un petit parti normal après avoir été un petit parti anormal.»

Les Vert’libéraux prennent l’option inverse et cherchent la lumière constammen­t. Un adversaire politique note en souriant que le PVL «se comporte maintenant un peu comme un parti de jeunes qui fonctionne au culot». Isabelle Chevalley l’admet: «Nous voulons arrêter de travailler dans l’ombre et évoluer désormais sous les projecteur­s.»

Le personnel

En termes de personnel politique, le Parti vert’libéral et le Parti bourgeois-démocratiq­ue ne disposent pas non plus des mêmes cartes. Le PVL est devenu le parti des «jeunes diplômés», sous la Coupole fédérale comme dans les cantons. L’humiliatio­n subie en 2015 par la déroute de sa première initiative populaire dans les urnes (8% des voix) et la perte de la moitié de sa députation fédérale ne semblent avoir refroidi ni ses membres, ni ses électeurs. «Au niveau communal, dans le canton de Neuchâtel en 2016, nous avons réussi à faire élire nos candidats à notre première participat­ion presque partout où nous en avons présenté, obtenant même 20% des voix sans apparentem­ent, à Peseux», se réjouit Mauro Moruzzi. Au niveau fédéral, la relève est incarnée par la Zurichoise Tiana Angelina Moser, qui gagne en influence sur un président considéré longtemps comme plutôt autoritair­e.

Le Parti bourgeois-démocratiq­ue fait face à un tout autre défi. Il compte de nombreux ténors sur le départ, dissidents UDC qui avaient rejoint le PBD en cours de carrière politique. La section bernoise est particuliè­rement touchée. Le conseiller national Hans Grunder se retirera avant la fin de la législatur­e, son collègue Urs Gasche, ancien conseiller d’Etat, 66 ans, réfléchit aussi à son avenir, tandis que le sénateur Werner Luginbühl, lui aussi ancien conseiller d’Etat, est indécis. Au niveau romand, la bérézina du PBD se poursuit. Après la dissolutio­n de l’antenne neuchâtelo­ise, la section fribourgeo­ise songe à se saborder au profit du PLR.

Les tests

Dans ces circonstan­ces, quel avenir pour le PBD? «Le Vaudois Yves Pellaux sera peut-être notre premier élu romand dans un parlement cantonal», espère Martin Landolt. Mais le président le sait: son parti jouera son réel va-tout lors des élections cantonales bernoises l’an prochain. Il y dispose encore de 13 élus au législatif et d’une conseillèr­e d’Etat. Gagner dans le canton de Berne serait un moyen de renverser la dynamique. Mais les difficulté­s du PBD n’ont pas échappé à ses concurrent­s directs dans le canton de Berne: l’UDC, mais aussi le PLR, se tiennent en embuscade. «Un espace se dessine dont nous souhaitons profiter», affirme un responsabl­e libéral-radical.

Le Parti vert’libéral nourrit quant à lui des ambitions dans les cantons de Neuchâtel et de Vaud. Sur Neuchâtel, il s’agit «au moins» de maintenir la députation de cinq membres, selon Mauro Moruzzi. Ce dernier, crédité de bonnes chances d’accéder au Conseil d’Etat, a toutefois renoncé à se présenter, pour des raisons de disponibil­ité. Dans le canton de Vaud, le PVL défendra ses six sièges au parlement. Il tentera aussi d’entrer au Conseil d’Etat. Il estime que ses chances ne sont pas anéanties par le refus du PLR et de l’UDC de faire liste commune au premier tour.

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(KEYSTONE/PETER SCHNEIDER) La Vert’libérale Kathrin Bertschy et le bourgeois-démocrate Urs Gasche, lors de la session de printemps des Chambres.

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