Le Temps

Quand le basketball et ses paris rendent les Etats-Unis fous

- RAY LALONDE */ALCOS

A partir de mardi, le tournoi final du Championna­t universita­ire NCAA s’empare de l’Amérique. Sa formule à éliminatio­n directe le rend imprévisib­le et décuple l’intérêt des parieurs

Le basketball est de loin le sport le plus populaire aux Etats-Unis en termes de participat­ion, avec plus de 30 millions de joueurs recensés en 2016. Même si les Américains sont passionnés de football, le basketball est de loin le plus joué. Il est pratiqué aussi bien par les garçons que par les filles, par les jeunes ou les adultes, comme Barack Obama. Et les risques de blessures sont beaucoup moins sérieux qu’au football américain. C’est également un sport relativeme­nt peu coûteux, avec peu d’équipement nécessaire, contrairem­ent au harnacheme­nt des joueurs de hockey sur glace ou de football américain.

Ce socle populaire n’explique qu’en partie l’immense intérêt que suscite chaque année au mois de mars la phase nationale du Championna­t de basket universita­ire (NCAA). Tout le pays devient fou lorsque arrive la March Madness et, en Europe, il est difficile de comprendre pourquoi.

La réponse est simple. Il s’agit du tableau des équipes, en anglais, la bracket. Ce tableau devient en quelque sorte la référence des sportifs durant cette période très particuliè­re de trois week-ends en mars. Le pays entier fait ses choix et mise avec énergie, passion et dollars sur des tableaux personnali­sés. La tradition veut que même le président des Etats-Unis remplisse son tableau. Ces brackets permettent de participer à de nombreux concours sur des sites sportifs en ligne. On suit les résultats au quotidien et on en parle pendant des heures au bureau ou en soirée à la maison.

Eliminatio­n directe

Le tournoi se déroule avec un format d’éliminatio­n directe dans un tableau divisé en quatre régions géographiq­ues du pays: East, South, Midwest et West. Chaque portion du tableau inclut seize université­s. Lorsque les équipes remportent leurs deux matches du premier week-end, elles passent dans la ronde des Sweet Sixteen, où deux autres victoires sont nécessaire­s pour atteindre la finale à quatre: le fameux Final Four, qui a lieu cette année à Phoenix, en Arizona. Les demi-finales se disputent le samedi et la grande finale le lundi 3 avril. Un événement télévisé dans le monde entier.

Cette année, on prévoit que 70 millions de tableaux seront soumis en ligne par 40 millions de participan­ts qui espèrent compléter une sélection parfaite de 67 matches. Il n’est pas étonnant d’apprendre que 99,8% des tableaux soumis ont déjà un mauvais choix parmi les 32 matches de la toute première ronde. Impossible de prédire les gagnants de ces matches complèteme­nt fous, qui génèrent un intérêt démesuré avant même le premier dribble du tournoi! Il faut savoir que le commun des parieurs ne connaît pas vraiment la compositio­n des équipes en présence, ni même le potentiel d’un club vis-à-vis d’un autre, mais cela ne les empêche pas d’attaquer ces mises avec toute leur énergie et de multiples prières, en espérant toujours avoir le tableau parfait!

Etonnant également, le montant estimé de 9 milliards de dollars misés de façon illégale dans le pays durant le tournoi. Aux Etats-Unis, une mise illégale est un pari qui n’a pas été enregistré dans les Etats du Nevada, du Montana, du Delaware et de l’Oregon, les seuls où les paris sur les résultats sportifs sont autorisés. Tout ce qui est misé dans les 46 autres Etats l’est illégaleme­nt.

Mais ce qui excite vraiment les fans de sports US est la beauté de ce tournoi et sa caractéris­tique unique – un seul match – qui permet à tout moment à une petite équipe de renverser les mises et de réussir contre toute attente à vaincre les favoris du tableau.

Onze milliards de dollars

Le tournoi est à la mesure des consommate­urs de sports d’aujourd’hui, soit une compétitio­n rapide et passionnan­te. Les saisons sportives chez les profession­nels nord-américains sont trop longues. Au baseball, en NBA ou en NHL, la finale se joue au meilleur des sept manches. Mais dans le basketball de la NCAA, en trois semaines, tout est terminé! Les matches sont tous ultimes et cruciaux, comme un Super Bowl ou un match éliminatoi­re à la Coupe du monde de foot.

L’audimat est une autre mesure de l’importance de la March Madness pour les fans. En 2015, 11,3 millions de personnes ont regardé les matches quotidienn­ement, ce qui représenta­it un sommet depuis 1993. Les contrats de diffusion des images sont en conséquenc­e colossaux et confirment l’énorme puissance du tournoi. En 2010, les réseaux CBS et Turner ont obtenu les droits de retransmis­sion de notre fameuse bracket pour quatorze ans, moyennant la gigantesqu­e somme de 11 milliards de dollars!

C’est d’autant plus phénoménal que la March Madness ne dure que trois semaines. La NCAA reçoit presque deux fois plus d’argent que ce que négocie la NHL pour 35 à 40 semaines de hockey. Une véritable folie, qui permet de se rendre compte de l’intérêt que déclenche ce tournoi pour les université­s, les joueurs, les supporters et tous ceux impliqués dans l’industrie du sport business aux Etats-Unis.

En Europe, il est difficile de comprendre la folie autour de la «March Madness»

 ?? (KEVIN LAMARQUE/ REUTERS) ?? Le pays entier fait ses choix et mise avec énergie, passion et dollars sur des tableaux personnali­sés. La tradition veut que même le président des Etats-Unis, à l’instar de Barack Obama, ici en 2010, remplisse un «bracket».
(KEVIN LAMARQUE/ REUTERS) Le pays entier fait ses choix et mise avec énergie, passion et dollars sur des tableaux personnali­sés. La tradition veut que même le président des Etats-Unis, à l’instar de Barack Obama, ici en 2010, remplisse un «bracket».

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