Le Temps

L’Ecosse demande la tenue d’un deuxième référendum

- ÉRIC ALBERT, LONDRES @IciLondres

Alors que l’article 50 est sur le point d’être actionné, l’implosion du Royaume-Uni revient à l’ordre du jour

Comme au ralenti, la déflagrati­on du vote en faveur du Brexit continue à se faire sentir. Neuf mois après le référendum, l’implosion du Royaume-Uni revient à l’ordre du jour. Nicola Sturgeon, la première ministre écossaise, a surpris lundi en demandant de légiférer pour organiser un nouveau référendum sur l’indépendan­ce de l’Ecosse. Celui-ci devrait se tenir «entre l’automne 2018 et le printemps 2019», souhaite-t-elle, soit avant que la sortie de l’Union Européenne ne devienne effective.

Cette annonce cherche à prendre de vitesse les événements politiques à Londres. Lundi soir, le parlement britanniqu­e devait mettre un point final à la loi pour actionner le fameux article 50 du traité de Lisbonne, qui lancera officielle­ment le retrait du Royaume-Uni de l’Union Européenne. Sauf surprise de dernière minute, Theresa May, la première ministre britanniqu­e, va annoncer ce mardi qu’elle va le déclencher, ouvrant une période de négociatio­ns de deux ans. Le Brexit entrera donc en vigueur en mars 2019.

Ce bras de fer à distance entre les deux femmes les plus puissantes du Royaume-Uni illustre les forces centrifuge­s que subit le pays. Il y a seulement deux ans et demi, en septembre 2014, les Ecossais avaient clairement rejeté l’indépendan­ce, à 55% contre 45%. Mais le vote en faveur du Brexit a complèteme­nt changé la donne. Les Ecossais souhaitaie­nt très largement (à 62%) rester dans l’ensemble européen, allant contre l’opinion majoritair­e des Anglais. Depuis, trouver une solution intermédia­ire s’est avéré impossible.

Nicola Sturgeon affirme qu’elle a fait tous les efforts nécessaire­s pour dégager un compromis. Elle a entamé des négociatio­ns avec Londres – conjointem­ent à l’Irlande du Nord et au Pays de Galles – pour se mettre d’accord sur le genre de Brexit souhaitabl­e. «Nous nous sommes heurtés à un mur d’intransige­ance, s’indignet-elle. Rester membre du marché unique européen a été exclu sans aucune consultati­on préalable du gouverneme­nt écossais, ni des autres administra­tions décentrali­sées. Si bien qu’on ne fait pas seulement face au Brexit, mais face à un Brexit dur.»

Lors de sa déclaratio­n, sur un ton solennel, elle en tire les conséquenc­es: «si l’Ecosse peut être ignorée sur un sujet aussi important que l’Union européenne et le marché unique, il est clair que notre voix et nos intérêts peuvent être ignorés à tout moment, quel que soit le sujet.» Elle reproche le manque complet de consultati­on: «je suis première ministre d’Ecosse et je ne sais pas si demain, l’article 50 sera déclenché ou pas.»

Dès lors, organiser un référendum est inévitable, affirme la leader des indépendan­tistes écossais. «Ne pas choisir n’est pas une option.»

«Ma porte reste ouverte»

L’indépendan­ce de l’Ecosse, ou même la tenue du référendum, sont pourtant encore loin d’être des réalités. D’abord, Nicola Sturgeon n’exclut pas de tout annuler au dernier moment. Elle demande simplement au parlement écossais de légiférer pour mettre en place une consultati­on populaire, mais elle peut encore, à tout moment, choisir de ne pas utiliser ce pouvoir. Est-ce envisageab­le? «Il faudrait que le gouverneme­nt britanniqu­e ait quelque chose à offrir. Mais ma porte reste toujours ouverte.»

Ensuite, Theresa May peut choisir de bloquer le référendum. En 2014, David Cameron, alors premier ministre, avait décidé d’autoriser le processus, mais rien n’oblige son successeur à faire de même. A tout le moins, Londres pourrait exiger que le nouveau référendum ait lieu à une date plus éloignée, après l’entrée en vigueur du Brexit, pour ne pas compliquer un processus déjà excessivem­ent difficile.

Risque de scénario québécois

Enfin, Nicola Sturgeon est loin d’être sûre de l’emporter. Les sondages sont serrés, mais indiquent que la majorité des Ecossais demeurent contre l’indépendan­ce. «Cela ressemble au dernier coup de dés des nationalis­tes écossais», persifle Andrew Bridgen, un député conservate­ur proBrexit. Se couper de l’Angleterre, avec qui les relations économique­s et politiques sont étroites, serait de la folie, ajoute Ruth Davidson, leader du Parti conservate­ur en Ecosse, qui était contre le Brexit: «nous allons déjà quitter une Union. La question est de savoir si nous voulons en quitter deux.»

L’espoir de Nicola Sturgeon est que les tensions politiques s’accumulent d’ici à l’automne 2018, et que Theresa May se mette à dos une majorité d’Ecossais. Mais si la première ministre écossaise échoue, elle fait face à un scénario québécois: la deuxième défaite des indépendan­tistes en 1995 y avait complèteme­nt tué la cause indépendan­tiste.

«Si l’Ecosse peut être ignorée sur un sujet aussi important que l’UE, il est clair que notre voix et nos intérêts peuvent être ignorés quel que soit le sujet» NICOLA STURGEON,

PREMIÈRE MINISTRE ÉCOSSAISE

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(AFP PHOTO/PAUL ELLIS) Nicola Sturgeon, la première ministre écossaise, souhaite qu’un nouveau référendum sur l’indépendan­ce de l’Ecosse soit organisé et se tienne «entre l’automne 2018 et le printemps 2019», avant que le Brexit ne devienne effectif.

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