Le Temps

Trump peine à constituer son équipe

Sur les 553 nomination­s à des postes clés qui doivent être avalisées par le Sénat, seules 18 ont pour l’instant été confirmées. Le président américain s’en prend aux démocrates, qui ralentisse­nt le processus. Mais le problème est aussi ailleurs

- VALÉRIE DE GRAFFENRIE­D, NEW YORK @VdeGraffen­ried

Donald Trump a annoncé samedi le limogeage de 46 procureurs fédéraux nommés par Barack Obama, dont le coriace Preet Bharara, bête noire des banquiers suisses. Il fait le ménage, pousse des procureurs à la démission, mais, et c’est là que le bât blesse, peine à constituer sa propre équipe. Sur les près de 4000 personnes qu’il doit nommer pour former son administra­tion, il en resterait encore près de la moitié à trouver. Ce qui fait de Donald Trump, s’accordent à dire plusieurs médias américains, le président le plus en retard à ce stade du mandat, après George H. W. Bush en 1989.

«You’re fired!»

L’annonce de samedi a surpris par le nombre des procureurs visés. Chuck Schumer, le chef de la minorité démocrate au Sénat, s’en est ému sur Facebook. «En demandant la démission immédiate de l’ensemble des procureurs en place, sans attendre que ceux-ci aient été remplacés, voire même que les noms de leurs futurs remplaçant­s soient connus, le président interrompt les enquêtes et les dossiers en cours, et il entrave le bon déroulemen­t de la justice», a-t-il écrit. Preet Bharara, qui supervise le district sud de l’Etat de New York, Manhattan inclus, avait pourtant reçu l’assurance du président américain qu’il pourrait rester en fonction. L’homme s’est bâti une réputation en incarnant notamment le combat contre la délinquanc­e en col blanc et grâce à ses coups de filet dans le milieu de la mafia newyorkais­e.

Réputé pour sa fameuse phrase «You’re fired!» quand il animait encore une émission de télé-réalité, Donald Trump se débarrasse de l’héritage Obama, mais fait face à certaines difficulté­s. Sur ses 4000 nomination­s, 1200 environ doivent être avalisées par le Sénat. Le Washington Post tient un décompte précis: au 13 mars, sur les 553 nomination­s à des postes clés (ministres, responsabl­es d’agences, ambassadeu­rs…) nécessitan­t la confirmati­on du Sénat, seules 18 l’ont obtenue, 24 nomination­s sont en attente et 511 personnes n’ont pas encore été choisies.

Une «politique de l’obstructio­n»

Après un mois de présidence, Donald Trump avait nommé 33 personnes à des postes clés, contre 42 pour Barack Obama, 22 pour George W. Bush et 27 pour Bill Clinton. Mais pendant cette même période, le Sénat n’en a confirmé que 14, contre 28, 19 et 25 pour ses prédécesse­urs. Il faut remonter à George Bush père, en 1989, pour trouver un score plus mauvais, avec uniquement 10 nomination­s confirmées le 20 février.

Une des raisons de ce retard est liée au comporteme­nt des démocrates au Sénat, où ils disposent de 48 sièges sur 100. Donald Trump dénonce une «politique de l’obstructio­n» et les accuse d’avoir sciemment ralenti le processus, en prolongean­t les auditions de ses candidats. Lundi après-midi, c’est le porte-parole de la Maison-Blanche, Sean Spicer, qui s’en est à nouveau pris aux démocrates, en rappelant que Donald Trump tiendrait la première réunion avec son cabinet, avec quatre chaises vides. Le cas de Betsy DeVos, choisie par Donald Trump comme ministre de l’Education, est emblématiq­ue. Deux sénatrices républicai­nes ont fini par voter contre elle, et ce n’est que grâce à la voix prépondéra­nte du vice-président Mike Pence que sa nomination a pu être confirmée. Elle peut désormais se targuer d’être la ministre la plus mal élue des Etats-Unis.

Donald Trump a aussi dû faire face à des défections. Andrea Puzder, PDG d’une chaîne de fast-food, pressenti pour le poste de secrétaire au Travail, a retiré sa candidatur­e, après des révélation­s sur sa vie privée. Il risquait d’être recalé au Sénat: plusieurs républicai­ns s’apprêtaien­t à voter contre lui. Plus grave, le président américain avait été contraint quelques jours plus tôt de se séparer de son conseiller à la sécurité nationale Michael Flynn, empêtré dans l’affaire russe.

Agacé par l’attitude des démocrates, Donald Trump a aussi sa propre stratégie. Début mars, il a ainsi déclaré à Fox News que tous les postes au sein de l’administra­tion fédérale ne devaient pas nécessaire­ment être reconduits. Il veut chasser les doublons, réduire l’appareil étatique, et défend régulièrem­ent son équipe qui travaille «merveilleu­sement bien». S’il s’est concentré sur les nomination­s de ses ministres, il semble moins pressé de repourvoir des postes au sein de certains départemen­ts, comme celui des Affaires étrangères. Il n’a pas caché qu’il comptait augmenter les dépenses militaires de 54 milliards de dollars au détriment des autres ministères. Il aurait particuliè­rement les Affaires étrangères et l’Agence de protection de l’environnem­ent dans le viseur.

Retard important

Le Départemen­t d’Etat, et ses 70000 employés, a d’ailleurs été confronté à un exode massif de ses hauts fonctionna­ires avant l’entrée en fonction du nouveau chef de la diplomatie américaine. Donald Trump a demandé aux ambassadeu­rs à l’étranger de quitter leur poste le jour même de son investitur­e, le 20 janvier. Ces changement­s sont courants lors d’alternance­s présidenti­elles. La plupart des départs auraient toutefois été précipités.

Postes vacants, absence de stratégie, communicat­ion déficiente, les critiques s’accumulent sur Donald Trump. Après sept semaines de pouvoir, le président américain accuse un retard important, soulignait à son tour, lundi, le New York Times. Agences fédérales et offices se retrouvent pour la plupart dans une sorte d’état comateux, avec des chefs provisoire­s – quand ils ne sont pas carrément fantômes –, dont le pouvoir n’est pas clairement défini. Avec le risque que cela ait des conséquenc­es sur la gestion de dossiers sensibles.

Sur les 4000 personnes qu’il doit nommer, il en resterait encore près de la moitié à trouver

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(LARRY DOWNING/REUTERS) Le Départemen­t d’Etat à Washington, et ses 70 000 employés, a été confronté à un exode massif de ses hauts fonctionna­ires avant l’entrée en fonction du nouveau chef de la diplomatie américaine. Ces changement­s sont courants lors d’alternance­s...

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