Le Temps

La campagne du «Blick» agace les Turcs de Suisse

Le président de la Fédération des associatio­ns turques de Suisse romande réagit à l’appel du «Blick» à voter contre Erdogan

- CÉLINE ZÜND @celinezund

Les tensions politiques en Turquie n’ont pas fini de faire des vagues en Suisse. Lundi, le Blick s’en mêle, appelant «tous les Turcs de Suisse» à refuser le référendum constituti­onnel voulu par le président Recep Tayyip Erdogan. «Votez non à la dictature!» lit-on en une du quotidien de boulevard zurichois. La diaspora est aussi appelée à se prononcer sur cette réforme qui, si elle passe, conférera davantage de pouvoirs au chef de l’Etat. Le journal se défend de jeter de l’huile sur le feu. «Pour nous Suisses, il est inacceptab­le que quelqu’un profite de notre Etat de droit et de notre liberté, tout en voulant l’abolir à la maison», écrit-il. Le même jour, on apprenait dans le Tages-Anzeiger que des espions auraient surveillé les activités de chercheurs de l’Université de Zurich. Les participan­ts à un séminaire d’histoire consacré au génocide arménien auraient été photograph­iés par des hommes agissant pour le compte d’Ankara. Le recteur a réagi en annonçant que l’établissem­ent engagerait davantage de personnel lors d’événements politiquem­ent sensibles.

Depuis plusieurs semaines, la tension monte entre la Turquie et plusieurs pays européens, à la suite de l’annulation de meetings politiques orchestrés par le gouverneme­nt turc. La Suisse n’est pas épargnée. Le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlüt Cavusoglu, devait venir à Zurich pour tenter de mobiliser la diaspora en faveur du référendum constituti­onnel. Mais aucune salle n’a accepté de l’accueillir. L’affaire n’est pas close: la visite en Suisse du chef de la diplomatie turque est reportée à plus tard. Berne a refusé d’annuler l’événement, au nom du respect de la liberté d’expression.

«Accents néocolonia­listes»

Le président de la Fédération des associatio­ns turques de Suisse romande, Celal Bayar, salue la décision du Conseil fédéral: «Un pays ne peut donner des leçons sur la liberté d’expression et museler la parole des autres sur son sol. Ceux qui se braquent devant la campagne d’Erdogan font fausse route. Cela ne fait que profiter aux populistes européens et resserrer les rangs des nationalis­tes autour d’Erdogan.» Celal Bayar porte un regard critique sur l’opération du Blick: «Je suis opposé à cette réforme, mais le journal aurait eu plus d’impact en expliquant, à l’aide d’arguments, pourquoi il faut voter non. Les Turcs sont lassés d’un certain discours européen aux accents néocolonia­listes, qui prétend indiquer la voie à suivre.» Parmi les Turcs de Suisse les avis sont très partagés: «Les opinions sont à 50/50, avec un léger avantage au non», explique-t-il.

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