Le Temps

Le Brexit, en avant, toute!

- FRANÇOIS NORDMANN @FrancoisNo­rdman

Le parlement britanniqu­e a autorisé Mme Theresa May à notifier à ses partenaire­s le retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne. Les lords, qui avaient amendé le projet de loi initial, se sont inclinés. La première ministre signera incessamme­nt la lettre requise par l’article 50 du Traité de Lisbonne. Elle doit faire aujourd’hui même une déclaratio­n à la Chambre des communes, et elle pourrait saisir cette occasion pour déclencher le processus de sortie. Elle pourrait aussi vouloir attendre jusqu’après la célébratio­n du 60e anniversai­re de l’UE, le 25 mars prochain. De toute façon Mme May respectera le calendrier qu’elle s’est fixé – lancer le Brexit avant la fin du mois de mars.

Puis le rituel mis au point de part et d’autre de la Manche commencera à se dérouler – réaction des capitales européenne­s dans les 48 heures et convocatio­n d’un sommet européen qui pourrait se tenir le 6 avril prochain déjà et fixer «les lignes rouges» de la négociatio­n.

Londres n’aborde pas cette étape en position de force. L’exercice peut se solder dans deux ans par un accord équilibré, si un compromis politique était trouvé, par un accord moins équilibré sinon ou par un constat de désaccord. Le directeur politique du Ministère allemand des affaires étrangères a déclaré récemment que les parties n’entreraien­t dans le vif du sujet qu’après les élections allemandes de cet automne.

La question des services financiers formera l’un des thèmes parmi les plus épineux des pourparler­s avec Bruxelles. Les centres financiers du continent – Paris, Francfort, Amsterdam, Milan, Dublin – salivent déjà à la perspectiv­e d’accueillir des banques qui ne pourraient plus accéder pleinement au marché européen à partir de la City.

Pourtant la partie britanniqu­e aborde ce chapitre avec sérénité, comme l’a indiqué M. Jeremy Browne, ancien ministre libéral, aujourd’hui représenta­nt spécial de la City auprès de l’UE. Il a passé quelques jours en Suisse la semaine dernière à la fois pour expliquer les enjeux de la négociatio­n pour le centre financier et bancaire du RoyaumeUni et pour dégager d’éventuelle­s convergenc­es entre les positions suisses et britanniqu­es dans le domaine financier.

Comme le relève un récent rapport de la Chambre des lords, Londres est le premier centre mondial pour ce qui est des services financiers. Cette industrie en est venue à constituer un véritable écosystème. La densité et le nombre des instituts financiers, la présence de personnels formés et de spécialist­es éprouvés des profession­s liées – comptables, avocats, consultant­s –, la sécurité du droit, la régulation, la langue anglaise, le fuseau horaire et la longue tradition forment un ensemble qu’il est vain de vouloir détricoter. La seule rivale de Londres qui offrirait une masse critique suffisante, c’est New York. Si les exigences des Vingt-Sept entraînaie­nt des départs massifs de banques établies au Royaume-Uni, l’Europe en serait la grande perdante. Certes, on ne peut exclure que des délocalisa­tions partielles aient lieu, ne serait-ce qu’en raison de l’incertitud­e qui domine actuelleme­nt. Tous emplois confondus, les services financiers font vivre plus d’un million de personnes. Une étude qui vient de paraître estime à environ cinquante mille les pertes d’emplois que pourrait provoquer le Brexit. C’est un choc que la City pourra absorber.

Ces arguments provoquent deux types de réactions: d’abord, un scepticism­e narquois, car il sera difficile de définir les équivalenc­es entre les pratiques britanniqu­es et celles de l’UE, y compris pour ce qui est de la régulation: nos amis britanniqu­es se font peut-être là-dessus de douces illusions. Mais personne n’a envie non plus de favoriser l’essor de la place financière américaine, et le risque évoqué du côté britanniqu­e n’est pas pris à la légère à Bruxelles.

Ce dossier sera donc le test de la volonté des Vingt-Sept de procéder à un divorce à l’amiable, préservant l’intérêt des deux parties.

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