Le Brexit, en avant, toute!
Le parlement britannique a autorisé Mme Theresa May à notifier à ses partenaires le retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne. Les lords, qui avaient amendé le projet de loi initial, se sont inclinés. La première ministre signera incessamment la lettre requise par l’article 50 du Traité de Lisbonne. Elle doit faire aujourd’hui même une déclaration à la Chambre des communes, et elle pourrait saisir cette occasion pour déclencher le processus de sortie. Elle pourrait aussi vouloir attendre jusqu’après la célébration du 60e anniversaire de l’UE, le 25 mars prochain. De toute façon Mme May respectera le calendrier qu’elle s’est fixé – lancer le Brexit avant la fin du mois de mars.
Puis le rituel mis au point de part et d’autre de la Manche commencera à se dérouler – réaction des capitales européennes dans les 48 heures et convocation d’un sommet européen qui pourrait se tenir le 6 avril prochain déjà et fixer «les lignes rouges» de la négociation.
Londres n’aborde pas cette étape en position de force. L’exercice peut se solder dans deux ans par un accord équilibré, si un compromis politique était trouvé, par un accord moins équilibré sinon ou par un constat de désaccord. Le directeur politique du Ministère allemand des affaires étrangères a déclaré récemment que les parties n’entreraient dans le vif du sujet qu’après les élections allemandes de cet automne.
La question des services financiers formera l’un des thèmes parmi les plus épineux des pourparlers avec Bruxelles. Les centres financiers du continent – Paris, Francfort, Amsterdam, Milan, Dublin – salivent déjà à la perspective d’accueillir des banques qui ne pourraient plus accéder pleinement au marché européen à partir de la City.
Pourtant la partie britannique aborde ce chapitre avec sérénité, comme l’a indiqué M. Jeremy Browne, ancien ministre libéral, aujourd’hui représentant spécial de la City auprès de l’UE. Il a passé quelques jours en Suisse la semaine dernière à la fois pour expliquer les enjeux de la négociation pour le centre financier et bancaire du RoyaumeUni et pour dégager d’éventuelles convergences entre les positions suisses et britanniques dans le domaine financier.
Comme le relève un récent rapport de la Chambre des lords, Londres est le premier centre mondial pour ce qui est des services financiers. Cette industrie en est venue à constituer un véritable écosystème. La densité et le nombre des instituts financiers, la présence de personnels formés et de spécialistes éprouvés des professions liées – comptables, avocats, consultants –, la sécurité du droit, la régulation, la langue anglaise, le fuseau horaire et la longue tradition forment un ensemble qu’il est vain de vouloir détricoter. La seule rivale de Londres qui offrirait une masse critique suffisante, c’est New York. Si les exigences des Vingt-Sept entraînaient des départs massifs de banques établies au Royaume-Uni, l’Europe en serait la grande perdante. Certes, on ne peut exclure que des délocalisations partielles aient lieu, ne serait-ce qu’en raison de l’incertitude qui domine actuellement. Tous emplois confondus, les services financiers font vivre plus d’un million de personnes. Une étude qui vient de paraître estime à environ cinquante mille les pertes d’emplois que pourrait provoquer le Brexit. C’est un choc que la City pourra absorber.
Ces arguments provoquent deux types de réactions: d’abord, un scepticisme narquois, car il sera difficile de définir les équivalences entre les pratiques britanniques et celles de l’UE, y compris pour ce qui est de la régulation: nos amis britanniques se font peut-être là-dessus de douces illusions. Mais personne n’a envie non plus de favoriser l’essor de la place financière américaine, et le risque évoqué du côté britannique n’est pas pris à la légère à Bruxelles.
Ce dossier sera donc le test de la volonté des Vingt-Sept de procéder à un divorce à l’amiable, préservant l’intérêt des deux parties.
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