L’enfance sur fond de Cyndi Lauper
ROMAN GRAPHIQUE Deux enfants qui grandissent dans le Paris des années 80 et qui s’imaginent plus forts qu’ils ne le sont vraiment: le roman graphique «A cause de la vie» de Véronique Ovaldé et Joann Sfar offre un vent de fraîcheur
C’est l’histoire d’une jeune fille qui a le blues: ça tombe bien puisqu’elle est toute bleue. Nathalie a un visage «blanc bleuté, la peau des enfants qui vivent cadenassés dans un placard ou qui détestent sortir de chez eux». Elle n’est pas malade, elle se complaît simplement dans une douce mélancolie et imagine un prince charmant capable de la «délivrer». Par un jour pas si différent des autres, au détour d’une ou l’autre rêverie, Nathalie rencontre Eugène, son voisin, un petit garçon bègue et timide, tout de vert vêtu. Il sera son héros et acceptera de relever des défis un peu fous sans se soucier des risques.
Sous ses airs de conte de fées, cause de la vie, roman graphique écrit par Véronique Ovaldé et illustré par Joann Sfar, dévoile une histoire pleine de poésie, d’humour et de réalisme. Les deux héros, âgés de 11 ans, évoluent dans un immeuble du Paris des années 80; Eugène collectionne les dinosaures en plastique et Nathalie écoute Cyndi Lauper. D’autres personnages évoluent autour de cette histoire d’enfants: il y a les deux vieilles dames qui adorent se détester mais ne savent plus pourquoi, et il y a les parents un peu dépassés par les événements… Pour Véronique Ovaldé, il s’agissait d’écrire un récit «comme la vie», dans toute sa simplicité et ses imprévus. «Tout se déroule à l’échelle d’un immeuble, c’est très organique. Et à un moment, une certaine harmonie se crée.»
Sur un fond d’histoire
Ad’amour-amitié et de ces tranches de vie superposées, Véronique Ovaldé souhaitait raconter l’histoire de ce passage «semi-dangereux» de l’enfance à l’âge adulte, des difficultés de trouver sa place quand on est un peu différent, un peu bizarre. «Nathalie est très folle, très sauvage et très libre, elle représente ce que j’aurais aimé être à 11 ans», confie l’auteure. Un roman initiatique, une incitation à l’aventure, qui revient sur la délicate fragilité des romances adolescentes.
L’audace de Joann Sfar
Ce conte moderne surprend par sa fraîcheur, sa poésie et surtout par sa structure: pas tout à fait BD ni tout à fait roman, il fait penser à un livre d’enfants. Or, pour Véronique Ovaldé, il n’est pas forcément adressé aux plus jeunes: «Je n’aime pas penser qu’un livre s’adresse à une tranche d’âge en particulier. Il y a plusieurs degrés de lecture dans cette histoire, un adulte y trouvera des références humoristiques, mais un enfant de 10 ans peut très bien comprendre le fond: une petite fille qui lance des défis à son copain.»
L’auteure explique avoir écrit ce roman pour Joann Sfar: «Lorsqu’il l’a lu, il a été très touché. Je l’ai adapté pour lui. Il pouvait en faire une BD, un dessin animé ou une chanson, peu importe. Je souhaitais qu’il apporte sa créativité, son audace à cette histoire.» Le dessinateur a choisi de croquer certaines scènes de son trait si singulier. Des lignes frémissantes, des couleurs franches et beaucoup d’expressivité dans les visages de ces petits héros du quotidien. Le résultat du travail des deux auteurs donne un travail empreint de poésie, un album pour ceux qui, comme Nathalie à la fin du recueil, aiment à retrouver la part d’imaginaire propre à l’enfance.
■
Véronique Ovaldé & Joann Sfar, Ed. Flammarion, 160 p.