Le Temps

La Toile dit adieu à Olivier Guéniat

- SYLVIA REVELLO @sylviareve­llo

DISPARITIO­N Les hommages de confrères, politiques ou simples citoyens se multiplien­t après l’annonce du décès du chef de la police judiciaire neuchâtelo­ise

Décès brutal et vive émotion. Après la mort d’Olivier Guéniat, chef de la police judiciaire neuchâtelo­ise, lundi après-midi, les hommages se multiplien­t sur les réseaux sociaux. Une vague de réactions à la hauteur d’un homme qui avait marqué les esprits, bien au-delà du cercle médiatique ou académique, et de sa corporatio­n. L’archétype du flic humaniste, pédagogue, criminolog­ue brillant dans l’opérationn­el comme dans ses réflexions. «Le meilleur, le plus juste, le plus avant-gardiste, estime une internaute. C’est une tragédie.»

Au lendemain de sa disparitio­n, la profession entière est en deuil. Rebecca Ruiz, criminolog­ue et conseillèr­e nationale socialiste, déclare sur Twitter: «Immense tristesse. Olivier Guéniat était un professeur fabuleux, un policier pragmatiqu­e et un intellectu­el brillant.» Sur son blog, le formateur et conseiller en gouvernanc­e Frédéric Maillard déplore: «Un policier d’audace et de talent s’en est allé. Nous devrons poursuivre les réformes de nos polices sans lui. Dans le dernier message qu’il m’a adressé, il y a peu, il s’insurgeait, une fois de plus, contre la militarisa­tion de son métier.»

Expert dans le domaine des drogues et de la délinquanc­e juvénile, le Jurassien de 50 ans développai­t un propos visionnair­e et progressis­te, avec le souci permanent de dépasser les solutions toutes faites. «Olivier Guéniat n’aura eu de cesse de déconstrui­re les idées reçues en matière de sécurité. Ses contributi­ons stimuleron­t nos réflexions», salue le député socialiste vaudois @JeanTschop­p.

Fermement opposé à la répression aveugle, il soutenait par exemple une régulation du cannabis, «moins nocif que l’alcool», comme il l’affirmait encore en mars 2016 dans les colonnes du Temps. Sa «compréhens­ion percutante des addictions et de la jeunesse», comme le décrit le psychologu­e @niels_weber, laissera assurément un vide.

Au sein de la Commission fédérale pour l’enfance et la jeunesse, l’empreinte du ténor de la police neuchâtelo­ise est palpable. «La #CFEJ a pu bénéficier de l’intelligen­ce, du pragmatism­e et de l’humour d’Olivier Guéniat pendant huit ans. Tu vas sacrément nous manquer», déplore sa vice-présidente, Emilie Graff, sur Twitter.

«Un regard bienveilla­nt, juste, documenté sur les jeunes, loin du cliché tous délinquant­s #cfej en deuil», ajoute encore le délégué vaudois à l’enfance et à la jeu- nesse, @fredcerchi­a, tandis que la vidéo d’une conférence animée en mars dernier par le défunt circule sur Internet.

Lucide sur les incohérenc­es de la politique criminelle, Olivier Guéniat l’était aussi sur les discrimina­tions de toutes sortes. En décembre dernier, lors d’une discussion sur l’augmentati­on des contrôles au faciès, expression d’un racisme ordinaire, il avait déclaré sans ambages: «La réalité du trafic de drogue est telle qu’il ne fait pas bon errer de nuit dans les quartiers chauds lorsqu’on est jeune et Noir.»

Peuve que la passion qui l’animait ne l’empêchait pas de jeter un regard critique sur les failles d’une profession qu’il exerçait depuis plus de vingt ans.

Au-delà de ses compétence­s, c’est aussi ce profil «anti-langue de bois» qui en avait fait un interlocut­eur de référence pour les journalist­es suisses et internatio­naux. De Darius Rochebin, de la RTS, à Raphaël Leroy, du Matin Dimanche, beaucoup lui rendent aujourd’hui un dernier hommage.

Face au choc que suscite sa mort, un internaute trouve les mots justes. «Pour ne pas avoir compris l’épilogue de son oeuvre je me contentera­i à l’avenir de tenter de résoudre ses interrogat­ions. C’est peut-être cela la juste mort d’un visionnair­e.»

 ?? (LEO DUPERREX/KEYSTONE) ?? Olivier Guéniat avec un sachet de méthamphét­amine, cette drogue de synthèse très addictive dont il avait explicité les dangers à Neuchâtel.
(LEO DUPERREX/KEYSTONE) Olivier Guéniat avec un sachet de méthamphét­amine, cette drogue de synthèse très addictive dont il avait explicité les dangers à Neuchâtel.

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