Le Temps

Derrière le renouvelle­ment, les énarques

L’arrivée des nouveaux venus d’En marche! issus de la société civile cache mal une autre réalité du «macronisme»: le pouvoir donné aux experts et technocrat­es de l’administra­tion

- R. W.

C’est l’autre réalité du quinquenna­t Macron qui s’annonce. Celle que les communican­ts du nouveau président Français préfèrent taire. Et celle que les 511 candidats pour l’heure investis par La République en marche pour les législativ­es (sur 577 sièges à pourvoir), n’ont peut-être pas encore comprise. «Il y a deux visages du macronisme, explique un haut fonctionna­ire vétéran de plusieurs cabinets ministérie­ls sous François Hollande. Le premier visage est celui du renouvelle­ment, surtout génération­nel et entreprene­urial. Le second est celui de l’énarchie ultraclass­ique. Chaque ministre fraîchemen­t débarqué en politique sera flanqué d’un commando d’énarques chargés de tout verrouille­r pour aller au plus vite.»

Les diplômés de l’Ecole nationale d’administra­tion, surtout s’ils sortent comme Emmanuel Macron dans la «botte» (les quinze premières places) sont en France l’épine dorsale de la haute administra­tion. Mais ils sont aussi, en fonction de leurs rangs de sortie, de leur promotion, de leurs réseaux, des rouages essentiels du pouvoir sur lesquels butent souvent les élus issus de la base.

Les technocrat­es sociaux-libéraux

Emmanuel Macron va-t-il aussi donner un coup de pied dans cette fourmilièr­e-là? Très peu probable. L’homme sait qu’il a, parmi cette caste dont il est issu, une légitimité sans faille. L’un de ses parrains politiques, le secrétaire général sortant de l’Elysée Jean-Pierre Jouyet, mène depuis des années le combat pour un gouverneme­nt d’experts et de technocrat­es avec son associatio­n sociale-démocrate Les Gracques.

L’eurodéputé­e Sylvie Goulard, l’une des proches du nouveau président donnée comme possible ministrabl­e, a beaucoup travaillé avec Mario Monti, qui entama de la fin 2011 à avril 2013, des réformes profondes en Italie en s’appuyant sur un gouverneme­nt «d’experts». «Macron, comme son premier ministre Edouard Philippe, croit au lien direct entre la haute administra­tion et les entreprene­urs pour faire bouger le pays», poursuit l’ancien conseiller ministérie­l.

Le précédent de Gaulle

Cette démarche a un précédent en France: celui de Charles de Gaulle qui, de retour au pouvoir à partir de 1958, appuya son action de remise en ordre économique du pays sur le fameux comité d’experts Pinay-Rueff, avec la création du «nouveau franc». Condition sine qua non: une assemblée nationale obéissante. Ce qui sera le cas si une majorité pro-Macron stable émerge des urnes: «Le principal message du «chef» lors de notre première formation, samedi à Paris, a été simple, résume un candidat: si nous sommes élus, nous devrons être discipliné­s.»

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