Gain de cause pour une famille afghane expulsée
Le Tribunal fédéral a condamné l’incarcération et la séparation d’une famille de requérants avant son expulsion en Norvège. Si la décision n’est plus d’actualité pour ces migrants, renvoyés, elle servira de précédent pour d’autres
Une famille afghane qui avait été placée en détention avant son renvoi en Norvège a obtenu gain de cause auprès du Tribunal fédéral. La cour suprême a admis une violation du droit à la vie privée et familiale.
Le cas remonte à mai 2016, lorsque cette famille est arrivée en Suisse pour rejoindre des parents. Le Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM) a rejeté leur demande d'asile et prononcé leur renvoi en Norvège, où ils avaient déjà demandé l'asile. Le SEM a fondé sa décision sur les accords de Dublin.
Comme la mère refusait de retourner dans ce pays, par crainte d'être refoulée en Afghanistan, un premier vol retour du couple et de leurs quatre enfants a échoué en octobre. Les autorités zougoises ont alors ordonné une détention administrative en vue d'une expulsion (détention Dublin).
«A la limite d’un traitement inhumain»
La mère et son nourrisson de 4 mois ainsi que le père ont été placés dans deux lieux de détention distincts, à l'aéroport de Zurich et à Zoug. Quant aux trois autres enfants, âgés de 3, 6 et 8 ans, ils ont été placés en foyer avec la coopération de l'autorité de protection de l'enfant et de l'adulte. La détention de trois semaines était assortie d'une interdiction partielle de contact.
Cette manière de faire a été «à la limite d'un traitement inhumain et dégradant en vertu de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme», écrit le Tribunal fédéral dans son jugement rendu public mardi. Les autorités zougoises ont violé le droit à la vie privée et familiale selon les dispositions de la CEDH.
Les autorités n'ont à aucun moment examiné une solution alternative à l'incarcération des parents et à la séparation des enfants. Selon les juges de Lausanne, les familles ne devraient être séparées dans le cadre de l'exécution des accords de Dublin qu'en dernier recours. Le bienêtre de l'enfant est prépondérant lors de l'évaluation des différents intérêts, ajoute le TF.
Décision saluée par Amnesty
La famille a finalement été expulsée vers la Norvège le 25 octobre par vol spécial. Bien que cette décision ne soit plus d'actualité pour cette famille, elle servira de précédent à d'autres familles. Le jugement du Tribunal fédéral a en effet valeur contraignante pour tous les cantons.
Pour Amnesty International, ce jugement fixe des limites claires à la détention dans le cadre de la procédure Dublin. «Une mesure aussi drastique n'est légale qu'en dernier ressort, quand toutes les autres mesures, comme le placement dans un logement commun, se révèlent impossibles», a réagi Denise Graf, spécialiste de l'asile chez Amnesty Suisse.
Plusieurs organisations, dont Amnesty et l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR) appellent la Suisse à accepter davantage de demandes d'asile Dublin s'il s'agit de cas de rigueur. Les expulsions devraient notamment être évitées s'il y a des bambins ou des enfants scolarisés.
▅