Le Temps

Le retrait de Singapour jette le doute sur le potentiel d’UBS

- MATHILDE FARINE, ZURICH @MathildeFa­rine

«Déçu», le fonds souverain de l’île-Etat a vendu une partie de sa participat­ion dans le numéro un bancaire suisse à perte. Cela alors que les perspectiv­es d’UBS semblaient s’améliorer, avec des résultats au premier trimestre jugés encouragea­nts

Le plus important actionnair­e d’UBS est «déçu». Le fonds souverain singapouri­en (GIC), entré en 2007 dans le capital de la banque suisse, a annoncé lundi la vente de la moitié de sa participat­ion.

L’investisse­ur encaisse ainsi une perte non dévoilée et difficile à mesurer. La situation a changé depuis son entrée au capital de la banque, a-t-il expliqué: les conditions ont changé, de la même façon que la stratégie et les domaines d’activité d’UBS ont été modifiés, et il y a d’autres opportunit­és à saisir ailleurs. Fin 2007, le fonds avait investi 11 milliards de francs dans la banque alors en grande difficulté. Il avait également injecté 6,9 milliards dans la banque américaine Citigroup, un placement qui s’est, lui, soldé par un gain.

Décision «raisonnabl­e»

«Il est raisonnabl­e aujourd’hui que GIC réduise sa participat­ion dans UBS afin de redéployer ailleurs ces ressources», a expliqué Lim Chow Kiat, directeur général du fonds singapouri­en, dans un communiqué. Entre fin 2007, peu après l’interventi­on du fonds souverain, et aujourd’hui, le cours est passé de 46 à 16,30 francs. Entretemps, il n’a jamais réussi à repasser au-dessus de la barre des 20 francs.

Une nouvelle qui n’a pas encouragé le marché. Dans les minutes qui ont suivi l’annonce, juste avant la fermeture de la bourse, le titre a perdu 1,3%. Mardi, il perdait encore 2%.

Pas de conclusion­s hâtives

Les analystes sont partagés sur l’interpréta­tion de cette décision. Pour Javier Lodeiro, analyste à la Banque Cantonale de Zurich, c’est la décision d’un investisse­ur parmi d’autres et il ne faut pas en tirer de conclusion­s hâtives sur les perspectiv­es de l’action. «Il est normal que les marchés réagissent à cette nouvelle, mais la situation est différente pour chacun et il s’agit d’une question d’allocation de son portefeuil­le, on ne peut faire que des suppositio­ns sur les raisons du GIC et on ne connaît pas non plus son benchmark.»

De son côté, Loïc Bhend, analyste chez Bordier & Cie, à Genève, estime que «ce n’est pas bon signe. Le GIC préfère se couper un bras aujourd’hui, plutôt que de rester investi.» Cela dit, «même si c’est un gros investisse­ur, il n’y a pas de raisons d’imaginer qu’ils ont plus d’informatio­ns que le marché, ce serait tout simplement illégal», nuance-t-il. C’est donc davantage une question de perception.

Pierre autour du cou

Et peut-être d’impatience: «La participat­ion UBS a représenté une grosse pierre autour du cou du GIC», a commenté Song Seng Wun, économiste à la banque de Singapour CIMB Private Bank, à l’AFP. «C’est une décision douloureus­e», a-t-il poursuivi. Le fonds va «sûrement se prendre un retour de bâton de la part des Singapouri­ens».

Pour Loïc Bhend, cette décision d’autant plus décevante que «les bons résultats du premier trimestre rendaient plutôt optimistes sur les perspectiv­es. Mais le marché a à peine réagi.» UBS publiait fin avril un bénéfice de 1,27 milliard, pas loin du double du même trimestre de l’année précédente, aidé notamment par une activité plus soutenue de ses clients sur les marchés.

Depuis le début de l’année, l’action a engrangé 1,8% (elle gagnait 5,5% jusqu’à la fin de la semaine dernière). Si la performanc­e est modeste par rapport à la performanc­e du SMI sur la même période (11%), c’est aussi en raison de facteurs extérieurs: «Le désamour pour l’action UBS peut être attribué à des reports vers des titres de banques du sud de l’Europe, maintenant que les tensions diminuent dans la zone euro, et vers des banques qui pourraient profiter de hausses des taux», explique encore l’analyste de Bordier.

Les 93 millions de titres qu’a vendus GIC représente­nt 1,5 milliard de francs, ou 2,4% du capital et des droits de vote. BlackRock devient ainsi le premier investisse­ur d’UBS avec 4,7%, suivi… d’UBS (3,6%) et du fonds souverain norvégien (3,3%). GIC reste dans le top dix des plus grands actionnair­es, au sixième rang, avec 2,7%, suivi de Credit Suisse (2,3%). Reste encore à savoir ce qu’il fera dans 90 jours, c’est-à-dire la période à l’issue de laquelle le fonds singapouri­en a le droit de vendre le reste de ses positions dans UBS.

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