Le Temps

Palestinie­nnes et insoumises

- STÉPHANE GOBBO @StephGobbo

Maysaloun Hamoud signe avec «Je danserai si je veux» un premier film intense, bien que parfois trop didactique, sur un trio de femmes luttant pour leur indépendan­ce

Laila et Salma vivent ensemble à Tel Aviv. Elles sont Palestinie­nnes, modernes, et ont un goût prononcé pour la fête. Voilà que Nour rejoint la colocation. Elle est au contraire timide et renfermée, voilée et promise à un homme pour qui la religion semble n’être qu’un moyen de s’assurer une épouse soumise. On le devine rapidement, à travers son regard triste et désenchant­é: elle envie Laila et Salma, leur liberté et leur apparente insoucianc­e.

Née à Budapest, Maysaloun Hamour a grandi dans un petit village du nord israélien. Membre du collectif Palestinem­a, qui milite pour la défense de la culture arabe, elle signe avec Je danserai si je veux son premier long-métrage. Elle revendique un film à la dimension naturalist­e, reflet d’une jeunesse arabe que le Printemps arabe a profondéme­nt marquée, une jeunesse bien décidée à faire entendre sa voix. Ainsi, Laila, Salma et Nour luttent, chacune à leur manière, contre une société encore lourdement patriarcal­e et machiste. Hamour en fait des héroïnes du quotidien, tout en évitant de les rendre univoques, sans gommer leurs possibles contradict­ions. On sent dans son regard une profonde admiration pour ces femmes fortes, inspirées de personnes de son entourage.

Un film nécessaire

Je danserai si je veux a aussi une indéniable dimension militante. Il y a quelque chose de volontaris­te, de parfois même trop appuyé, dans la manière qu’a la cinéaste de montrer le combat quotidien de Laila, Salma et Nour contre leurs proches et le monde encore étriqué dans lequel elles évoluent et tentent de trouver leur place. Même si elle laisse de nombreux éléments hors-champ, de l’ordre du sous-entendu, elle fait parfois preuve d’un didactisme un peu pataud. Mais peut-être le fallait-il, comme il était probableme­nt judicieux de clairement définir chaque personnage – Laila la

Salma, Nour et Laila, trois jeunes femmes qui ne veulent pas se laisser dicter leur destin.

sexy qui doute, Salma la rebelle qui se cherche, Nour la coincée qui veut s’émanciper. Car si aux yeux du public occidental ce récit à la dimension initiatiqu­e peut avoir quelque chose de convenu, on sent bien que cette coproducti­on israélo-palestinie­nne a en même temps quelque chose de nécessaire dans ce qu’elle dit, à travers l’opposition ville-campagne et les relations entre les génération­s, d’une société qui se doit d’évoluer.

Pour montrer le combat entre les tenants de la tradition et une jeunesse moderne et décomplexé­e, Hamour use d’une bande-son efficace, qui convoque notamment les rappeurs palestinie­ns de DAM et l’artiste électro israélien Nadav Dagon. Et au final, on lui pardonne vite certaines maladresse­s, comme un montage scolaire et un abus des champs/contrecham­ps. Parce qu’il s’agit d’un premier long-métrage, mais surtout parce que ses héroïnes, comme ses actrices, sont émouvantes.

VV «Je danserai si je veux» («Bar bahar/ In Between»), de Maysaloun Hamoud (Palestine, Israël, France, 2016), avec Mouna Hawa, Sana Jammalieh, Shaden Kanboura, 1h42.

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(SISTER DISTRIBUTI­ON)

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