Le Temps

Barrages en faillite, un fiasco helvétique

- SYLVAIN BESSON @Sylvain Besson

C’est peut-être l’enjeu le plus massif de la votation du 21 mai. Comment sauver les barrages qui fournissen­t 60% de l’hydroélect­ricité suisse du naufrage financier?

Avec leurs murs colossaux et leurs conduites qui transperce­nt les Alpes, ces ouvrages offrent un concentré des vertus helvétique­s: fiabilité, durabilité, capacité de faire de l’argent avec pas grand-chose – des pentes et de l’eau. Le secteur a longtemps rempli les caisses publiques et servi de vache à lait à l’export. Mais, aujourd’hui, on parle de milliards dilapidés dans un fiasco comparable à la chute de Swissair.

Qui est responsabl­e? Les gros producteur­s (Alpiq, Axpo…) ont trop misé sur une technologi­e dépendante des aléas du marché, le pompage-turbinage. Le Conseil fédéral les a encouragés, avant de s’en laver les mains. La demi-libéralisa­tion du secteur crée une situation absurde: les producteur­s exposés à la concurrenc­e sont au bord de la faillite, tandis qu’une ribambelle de monopoles locaux s’enrichisse­nt grâce aux clients captifs qui paient un courant surfacturé.

Ces erreurs, il faut les analyser sérieuseme­nt avant de définir un «design de marché» qui permette d’assurer l’avenir. L’hydroélect­ricité suisse remplit une fonction stratégiqu­e, elle est bonne pour le climat et, comme les barrages sont difficiles à démonter, la Suisse n’a pas le choix. Elle doit sauver son patrimoine hydrauliqu­e, ce qui passe par un vote positif à la Stratégie énergétiqu­e 2050 le 21 mai.

Mais les aides prévues par ce texte ne suffiront pas. La tentation, ensuite, sera de faire payer le consommate­ur pour éponger les pertes. Ce serait une erreur. Ceux qui doivent financer le sauvetage des barrages sont ceux qui en ont profité le plus: distribute­urs d’électricit­é, services industriel­s, cantons et communes. Il est aussi temps de stopper une forme de folie hydroélect­rique en enterrant les projets pharaoniqu­es qui dorment dans les tiroirs. Qui a besoin d’un barrage à 250 millions sur le Rhône – comme celui prévu à Massongex – alors qu’il n’a aucune chance d’être rentable? Il faut aussi cesser de subvention­ner des mini-centrales écologique­ment néfastes: le coût payé pour créer les aménagemen­ts actuels est bien assez lourd.

La priorité doit plutôt être de conserver et d’améliorer l’existant. En sachant que l’avenir appartient davantage au solaire et aux maisons autonomes qu’aux géants de béton qui barrent les vallées.

La priorité doit être de conserver et d’améliorer l’existant

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