Barrages en faillite, un fiasco helvétique
C’est peut-être l’enjeu le plus massif de la votation du 21 mai. Comment sauver les barrages qui fournissent 60% de l’hydroélectricité suisse du naufrage financier?
Avec leurs murs colossaux et leurs conduites qui transpercent les Alpes, ces ouvrages offrent un concentré des vertus helvétiques: fiabilité, durabilité, capacité de faire de l’argent avec pas grand-chose – des pentes et de l’eau. Le secteur a longtemps rempli les caisses publiques et servi de vache à lait à l’export. Mais, aujourd’hui, on parle de milliards dilapidés dans un fiasco comparable à la chute de Swissair.
Qui est responsable? Les gros producteurs (Alpiq, Axpo…) ont trop misé sur une technologie dépendante des aléas du marché, le pompage-turbinage. Le Conseil fédéral les a encouragés, avant de s’en laver les mains. La demi-libéralisation du secteur crée une situation absurde: les producteurs exposés à la concurrence sont au bord de la faillite, tandis qu’une ribambelle de monopoles locaux s’enrichissent grâce aux clients captifs qui paient un courant surfacturé.
Ces erreurs, il faut les analyser sérieusement avant de définir un «design de marché» qui permette d’assurer l’avenir. L’hydroélectricité suisse remplit une fonction stratégique, elle est bonne pour le climat et, comme les barrages sont difficiles à démonter, la Suisse n’a pas le choix. Elle doit sauver son patrimoine hydraulique, ce qui passe par un vote positif à la Stratégie énergétique 2050 le 21 mai.
Mais les aides prévues par ce texte ne suffiront pas. La tentation, ensuite, sera de faire payer le consommateur pour éponger les pertes. Ce serait une erreur. Ceux qui doivent financer le sauvetage des barrages sont ceux qui en ont profité le plus: distributeurs d’électricité, services industriels, cantons et communes. Il est aussi temps de stopper une forme de folie hydroélectrique en enterrant les projets pharaoniques qui dorment dans les tiroirs. Qui a besoin d’un barrage à 250 millions sur le Rhône – comme celui prévu à Massongex – alors qu’il n’a aucune chance d’être rentable? Il faut aussi cesser de subventionner des mini-centrales écologiquement néfastes: le coût payé pour créer les aménagements actuels est bien assez lourd.
La priorité doit plutôt être de conserver et d’améliorer l’existant. En sachant que l’avenir appartient davantage au solaire et aux maisons autonomes qu’aux géants de béton qui barrent les vallées.
La priorité doit être de conserver et d’améliorer l’existant