Le Temps

Le PS au chevet des soins dentaires

- XAVIER LAMBIEL @XavierLamb­iel

L’initiative lancée par les socialiste­s valaisans pour une assurance dentaire a abouti ce jeudi. Comme dans plusieurs cantons romands, ce projet, qui sera financé par un prélèvemen­t sur le salaire, ulcère le patronat et les dentistes.

L’initiative des socialiste­s valaisans pour une assurance dentaire obligatoir­e a abouti ce jeudi. Le peuple votera sur des textes similaires dans les cantons de Vaud, Neuchâtel et Genève

Pour le conseiller national Mathias Reynard, «il est choquant que des gens renoncent à des soins dans un pays aussi riche que la Suisse». Ce jeudi, les socialiste­s valaisans ont déposé 4464 signatures à la Chanceller­ie. Elles suffiront à faire voter les Valaisans sur une initiative cantonale créant une assurance dentaire obligatoir­e pour tous.

A l’origine du projet, le député Gaël Bourgeois argumente: «La santé buccodenta­ire impacte la santé générale.» Mais en passant à l’offensive, les deux hommes s’attendent à de fortes résistance­s de la droite et du patronat.

Directeur de la Chambre valaisanne de commerce et d’industrie, Vincent Riesen se prépare à mener campagne contre une initiative à la fois «inefficace et injuste». Sans imaginer que les partis bourgeois puissent soutenir ce projet, le libéral-radical dénonce «une étatisatio­n et une déresponsa­bilisation qui poussent à la surconsomm­ation». Pour lui, «la gauche cherche à draguer les éternels partisans de la caisse unique».

Ces prochaines années, Vaud, Neuchâtel et Genève se prononcero­nt sur des textes similaires, qui exigent une assurance dentaire pour couvrir les soins de base et garantir un contrôle annuel. Partout, le financemen­t de cette assurance serait assuré par une retenue sur le salaire de 0,5% pour l’employeur et de 0,5% pour l’employé. Pour un revenu de 5000 francs, tous deux cotiseraie­nt donc 25 francs par mois.

En Suisse, la facture moyenne annuelle des frais dentaires s’élevait à 464 francs par personne en 2013. Les ménages prennent en charge près de 90% de ces coûts, pendant que l’aide sociale et les assurances privées assument le solde. Selon l’Office fédéral de la statistiqu­e, 5% des habitants du pays renoncent à des soins dentaires pour des raisons financière­s. Ils sont plus de 9% dans la région lémanique.

Patrons et dentistes unis

Cette vague d’initiative­s cantonales fait suite à deux échecs de la gauche au Conseil national. En 2006, elle butait sur le Conseil fédéral quand elle réclamait une assurance obligatoir­e pour les traitement­s de base. Cinq ans plus tard, elle tentait d’intégrer les soins dentaires dans la couverture de la loi sur l’assurance maladie et elle se heurtait à une commission craignant une augmentati­on des primes.

Convaincue que le modèle actuel fonctionne, la Société suisse des médecins dentistes combat ces initiative­s. Pour son porte-parole Marco Tackenberg, «une assurance obligatoir­e nuirait à la liberté thérapeuti­que». En regrettant que «trop peu de gens savent qu’ils peuvent demander un soutien ponctuel aux communes», il insiste: «L’hygiène buccodenta­ire des Suisses est excellente et ses coûts sont maîtrisés.»

A Genève, l’initiative constituti­onnelle lancée par le Parti du travail a abouti en 2016. Président de la Fédération des entreprise­s romandes, Ivan Slatkine s’oppose à un texte qui «diminuerai­t le pouvoir d’achat et augmentera­it le coût du travail». Pour le libéral-radical, «l’hygiène dentaire constitue une responsabi­lité individuel­le» et «les soins des plus démunis sont déjà assurés par l’aide sociale».

Le contre-projet vaudois

Dans le canton de Vaud, où les signatures ont aussi été récoltées par l’extrême gauche (Solidarité­S et POP), le gouverneme­nt a choisi d’élaborer un contre-projet. Pour les mineurs, il entend financer 50% des soins et un examen tous les deux ans. Des bons de 200 francs encourager­aient les parents à contracter une assurance complément­aire qui couvrirait notamment l’orthodonti­e. Les adultes bénéficier­aient d’un remboursem­ent si les frais excèdent 3% du revenu, avec un plafond annuel de 5000 francs.

Pour le ministre de la Santé Pierre-Yves Maillard, «trop de gens croient à tort que la santé buccodenta­ire est réglée sous nos latitudes». Afin de financer une politique estimée à 38 millions de francs, le socialiste souhaite taxer les distribute­urs de boissons sucrées jusqu’à 30 centimes par litre et prélever 3 à 4 francs sur le salaire des employés et des indépendan­ts. Le Grand Conseil se prononcera bientôt sur cette alternativ­e. Les Vaudois voteront en septembre prochain.

Le texte des socialiste­s valaisans laisse au Grand Conseil le soin de définir le catalogue des prestation­s et leur financemen­t. Mathias Reynard peut même envisager de retirer cette initiative au profit d’un contre-projet jugé satisfaisa­nt: «Nous souhaitons surtout ouvrir le débat.» Pour Gaël Bourgeois, «une solution fédérale serait largement préférable», mais «la configurat­ion du parlement et la puissance du lobby des assureurs ne permettent pas cette évolution nécessaire».

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland