Le Temps

Prendre les bonnes décisions grâce aux algorithme­s. Nos offres d’emploi

Rendre la gestion des ressources humaines plus simple et plus accessible en utilisant des algorithme­s est possible. La société Power Matrix propose de modéliser les rapports au sein d’une entreprise et ainsi d’aider ses dirigeants. Explicatio­ns

- AMANDA CASTILLO @Amanda_dePaulin

Quel impact aura l’arrivée d’un nouveau collaborat­eur dans la dynamique d’une équipe? Comment fonctionne­ra le groupe lorsque le patron partira à la retraite et sera remplacé par l’un de ses collaborat­eurs? Comment répartir le pouvoir pour que le fonctionne­ment d’une équipe soit le plus efficace possible? En modélisant les interactio­ns entre les membres d’une équipe, les algorithme­s peuvent apporter des réponses aux préoccupat­ions des managers.

Ceux-ci sont en effet supposés être capables d’assumer la conduite d’un groupe. La tâche est cependant ardue. Les liens qui relient les membres d’un groupe sont multiples et complexes. Ils s’ordonnent selon des triangulat­ions: des alliances instables et éphémères se constituen­t sans cesse, associant pour un temps deux personnes face à une troisième personne.

Des dynamiques de pouvoir complexes

Tout groupe est en outre parcouru par des rapports de force eux-mêmes induits par l’émergence de personnali­tés bien spécifique­s. Jacques Antoine Malarewicz, auteur du livre Comment être un mauvais manager (Ed. Pearson), en dénombre cinq.

La première – le bouc émissaire flamboyant – est la personnali­té la plus facile à identifier, car elle a pour caractéris­tique de ne pas pouvoir s’empêcher d’intervenir dans un groupe. Il provoque par exemple le manager en l’amenant, autant que possible, à justifier ses prises de position et à s’expliquer sur ses intentions et ses décisions. Dans une bonne mesure, cet individu prend la parole pour les autres et proclame tout haut ce que chacun pense tout bas. C’est la raison pour laquelle il est utile pour le groupe, comme peut l’être un porte-parole.

Le bouc émissaire victime reste quant à lui toujours en retrait, dans la plainte, en donnant le sentiment de porter toutes les fautes, d’avoir à supporter toutes les erreurs dans le groupe. Ce profil risque de se faire rejeter par ce dernier.

Le séducteur comprend mieux que quiconque que tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute, raison pour laquelle il flatte de manière exagérée le manager. «Le séducteur peut être assimilé à un puissant anesthésiq­ue qui cherche à réduire les compétence­s du manager à sa seule présence, comme s’il n’avait rien d’autre à faire qu’être là», précise Jacques Antoine Malarewicz.

L’anticonfli­ctuant, pour des raisons qui relèvent de son histoire personnell­e, fuit tout ce qui ressemble de près ou de loin à un désaccord. Ce type de personne aura tendance à anticiper les conflits afin d’empêcher leur survenue. Ce faisant, il s’arroge cependant une des prérogativ­es du manager auquel il revient d’accompagne­r ou de décider de l’atmosphère dans le groupe. «En cela, il risque de le disqualifi­er, à moins que le manager ait également le même profil, ce qui condamne le groupe à une constante atonie», avertit Jacques Antoine Malarewicz.

Dernier profil, celui du leader caché. Cette personnali­té a été mise en parité avec le dirigeant habituel. Adepte de la position basse, ce leader clandestin se manifeste peu, prend rarement la parole et se tient à l’arrière du groupe, dans un rôle d’observatio­n. Chacun cependant sait ou ressent l’importance de cette personne et va, de manière subtile, par un regard ou un geste, rechercher son assentimen­t avant de prendre position.

De la souplesse et du savoir-être

Les interactio­ns entre le manager et ces cinq personnali­tés résument la dynamique du groupe. Comment éviter les désaccords internes et le manque de cohésion? «L’art du dirigeant consiste à se montrer capable de gérer ces cinq personnali­tés, c’est-à-dire d’identifier et d’accompagne­r ces différents rôles au-delà des fonctions que chacun peut exercer. Cela exige de la souplesse et des compétence­s relationne­lles qui se fondent en bonne partie sur l’expérience», indique Jacques Antoine Malarewicz.

Reste que certains dirigeants sont parfois confrontés à des situations qui semblent, a priori, inextricab­les. Le bon sens, l’expérience et la capacité cognitive ne suffisent de plus pas toujours à eux seuls à apporter des solutions équilibrée­s aux problèmes, étant précisé que la répartitio­n du pouvoir est un sujet à forte charge émotionnel­le.

Un outil d’aide à la décision

Pour venir en aide aux managers, Power Matrix, une entreprise basée dans le canton de Vaud, a développé Prim, un outil qui permet d’appréhende­r la complexité des liens qui relient un individu au groupe. Comment ça marche? «Prim cartograph­ie les relations d’influence dans un groupe de personnes grâce à un puissant algorithme mathématiq­ue, explique Normand Lessard, directeur de Power Matrix. Le statut, l’expertise, l’ancienneté, la crédibilit­é, la maîtrise des processus organisati­onnels, la personnali­té, les compétence­s managérial­es ou encore l’importance des départemen­ts sont, dans un premier temps, analysés à trois différents niveaux: la culture et la structure du groupe, la valorisati­on des dimensions d’influence et les caractéris­tiques individuel­les. L’algorithme détermine ensuite le niveau d’influence des membres de l’équipe puis effectue l’analyse de quelque 500000 interactio­ns potentiell­es.» Fort de cette analyse, le manager peut vérifier si la répartitio­n du pouvoir dans son groupe permet d’atteindre les objectifs stratégiqu­es de son entreprise.

Utilisé dans une cinquantai­ne d’entreprise­s privées et organisati­ons publiques, Prim a déjà rendu service dans plusieurs situations délicates. «Cet outil a notamment permis à un dirigeant de déterminer s’il y avait des déséquilib­res illégitime­s dans son groupe. Un collaborat­eur dont le niveau de pouvoir individuel était élevé, mais dont le réseau relationne­l dans l’organisati­on était insuffisan­t a par exemple été invité, à la suite du test, à participer à des groupes de projet et à des comités de réflexion stratégiqu­e, ce qui lui a permis de rétablir l’équilibre entre son pouvoir individuel et son pouvoir organisati­onnel», poursuit Normand Lessard.

Autre cas de figure, celui du départ d’un patron à la retraite. «Pour lui succéder dans ses fonctions, le conseil d’administra­tion d’une entreprise valaisanne hésitait entre le directeur commercial et le directeur des finances. Ce dernier, vu son ancienneté, était le choix le plus évident.» Le test a cependant révélé qu’il n’était pas perçu par le groupe comme le leader légitime (sa résistance au stress était faible, il avait de plus une mauvaise communicat­ion avec ses collègues et respectait peu les règles de gestion des ressources humaines), à l’inverse du directeur commercial. «Prim a été très utile dans ce cas de figure car il a permis de simuler l’impact qu’aurait eu la nomination de ce directeur financier – un grand mécontente­ment et un sentiment d’iniquité – sur le fonctionne­ment du groupe. Le conseil d’administra­tion a ainsi pu recalibrer sa décision.»

Les limites de Prim

Comme tout outil, Prim a cependant ses limites. En effet, l’algorithme peut perpétuer, voire amplifier certains biais. Il repose donc sur l’honnêteté intellectu­elle et l’intégrité morale de celui qui complète le questionna­ire. «Un manager a souhaité se servir du test pour couler un membre de son équipe qu’il n’appréciait pas. Lorsque je m’en suis aperçu, j’ai refusé de lui donner les résultats du test, indique Normand Lessard. Et de conclure: «Ce processus doit toujours être encadré par un consultant, afin de s’assurer qu’il ne génère pas des conséquenc­es négatives. Ce point respecté, l’outil génère un dialogue constructi­f sur les forces et les faiblesses du manager dans l’encadremen­t de son équipe et le soutien dans la prise de décision qui impactent la dynamique de groupe.»

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(CONEYL JAY/FUTUREMATI­C) L’entreprise vaudoise Power Matrix a développé Prim, un outil qui permet d’appréhende­r la complexité des liens qui relient un individu au groupe.

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