Le Temps

Déconne pas, Manu!

- ALEXIS FAVRE @alexisfavr­e

Je savais que ce moment finirait par arriver. Je m’étais habitué à l’idée, comme on anticipe l’inéluctabl­e. Mais on n’est jamais vraiment prêt pour ces choses-là. Je viens de m’en rendre compte, violemment. Cette fois, ça y est: depuis dimanche, en fin de matinée, j’ai l’âge du président de la République: 39 ans. Comme Kanye West, comme Thierry Henry et comme Pierre Maudet. Cette parfaite contempora­néité avec le roi des Francs me paraît aussi irréelle qu’elle est implacable. Irréelle parce qu’un président de la République, c’est vieux, dégarni, impression­nant, souvent un peu bedonnant, hyperculti­vé, raide et responsabl­e (il y a pu avoir une exception, mais quand même). Un président de la République, c’est quelqu’un qui a fait le deuil de ses baskets montantes et a définitive­ment renoncé au Long Island Iced Tea les soirs de semaine. Je n’y suis pas tout à fait.

Implacable, parce que j’ai beau secouer le calendrier, Emmanuel Macron a moins de trois mois de plus que moi. Quand j’apprenais à faire du vélo, il apprenait à faire du vélo. Quand j’ai eu ma maturité (mention bien), il venait d’avoir son bac (mention très bien). Quelques années plus tard, il porte une valise nucléaire… et moi un sac à dos en toile. Je vous promets que ça pique un peu.

Pourtant, passé le grand vertige (mais qu’ai-je donc fait de toutes ces années pendant qu’il travaillai­t vraiment, lui?), l’entrée en fonction de mon illustre isochrone a fini par me rasséréner. Première source d’apaisement, l’unanimité des commentate­urs: «Rendez-vous compte, 39 ans, quelle jeunesse! Tout juste sorti de l’adolescenc­e et déjà président! Du jamais vu! Et puis quelle fougue!» Ni Kanye West, ni Thierry Henry, ni Pierre Maudet ne me contrediro­nt: nous voilà tous officielle­ment réestampil­lés petits jeunes, et c’est loin d’être désagréabl­e.

Deuxième motif de soulagemen­t, et pas des moindres, j’ai beau avoir l’âge du PR, personne ne viendra jamais me réveiller à trois heures du matin pour m’annoncer l’imminence d’un mouvement social chez Whirlpool. Oui, il m’arrive et m’arrivera encore d’être arraché au sommeil en sursaut. Par un mauvais rêve, un fantôme. Pas par un chef d’état-major qui attend mon feu vert ouaté pour bombarder Raqqa. Je ne m’en porte pas plus mal.

Manu ( j’ai le droit), courage! Bonne chance, profite et sois à la hauteur. Préside, rassemble, protège, guide et rassure tes compatriot­es. Moi, je vais peutêtre prendre mon après-midi.

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