Gouvernement Macron: les «éléphants» devant
Quatre ministres, tous caciques politiques français, constituent l’épine dorsale du premier gouvernement du quinquennat. La solidarité et la discipline l’emporteront-elles?
Seront-ils les «hommes du président»? Ou finiront-ils, très vite, par se disputer sur leur prééminence au sein du premier gouvernement du quinquennat Macron? Une chose est sûre: il suffisait de regarder, hier, la première photo des 22 ministres et secrétaires d’Etat français prise à l’issue du premier Conseil des ministres pour constater que l’avant-garde de ce cabinet n’est pas vraiment celle du rajeunissement. En première ligne, Gérard Collomb (69 ans, ex-PS) à l’Intérieur; François Bayrou (66 ans, MoDem) à la Justice; Jean-Yves Le Drian (69 ans, ex-PS) aux Affaires étrangères et Bruno Le Maire (47 ans, ex-Les Républicains) à l’Economie seront, avec le nouveau venu Nicolas Hulot, les poids lourds de cette première équipe. Et ceux sur qui va reposer, avec le premier ministre Edouard Philippe (ex-Les Républicains), la bataille imminente pour les législatives des 11 et 18 juin.
Le fait que ces quatre politiciens d’expérience, plus habitués à s’opposer qu’à travailler ensemble, soient le fer de lance de la première administration Macron est une nouveauté considérable en France. L’un d’entre eux, JeanYves Le Drian, nouveau patron de la diplomatie hexagonale, est pour mémoire le ministre sortant de la Défense, poste qu’il a occupé durant tout le quinquennat de François Hollande. Le Breton Le Drian, ancien maire de Lorient et président du Conseil régional de Bretagne (tous les ministres devront sous peu démissionner de leurs mandats exécutifs), a vu démarrer l’actuel chef de l’Etat dans ses fonctions de secrétaire général adjoint de l’Elysée, de mai 2012 à avril 2014. Il sera d’ailleurs à ses côtés, avec la nouvelle ministre des Armées, Sylvie Goulard, lors du déplacement qu’Emmanuel Macron fait ce vendredi à Gao, dans le nord du Mali, où se trouve la principale base arrière de l’opération antiterroriste «Barkhane» des forces françaises dans le Sahel.
Le plus piquant est que ces quatre «éléphants» de la politique hexagonale se connaissent bien. Chaque été, le mouvement de François Bayrou réunit ainsi ses (maigres) troupes à Guidel, en Bretagne… sur les terres d’un certain Le Drian qui, jadis, accueillit à Lorient les «transcourants» menés par un certain François Hollande. Gérard Collomb, maire de Lyon, a de son côté souvent bataillé avec Le Drian à propos de l’ancien président de la République, à qui il reproche de l’avoir tenu à l’écart de tout poste ministériel durant le quinquennat écoulé. Ombrageux, replié sur sa métropole comme «un grand baron de province» selon ceux qui le connaissent bien, Collomb le Lyonnais entretient en revanche des liens avec François Bayrou via l’ancien ministre de la Justice et sénateur du Rhône, Michel Mercier. Bref, ces «éléphants»-là se connaissent, se tutoient mais savent aussi jouer des coudes. La nomination de l’eurodéputée Sylvie Goulard à la Défense, poste prestigieux, est d’ailleurs perçue comme un second choix dans ce cabinet où Le Drian entend bien, dit-on, continuer à vendre l’armement français lors de ses déplacements internationaux.
Filiation gaulliste
Le cas de Bruno Le Maire, ministre des Affaires européennes puis de l’Agriculture de Nicolas Sarkozy, qu’il défia ensuite pour la présidence de l’UMP en novembre 2014, est un peu différent. Ce dernier est le seul de ces quatre grands ministres à avoir occupé le devant et l’arrière de la scène gouvernementale. Il fut le directeur de cabinet du premier ministre Dominique de Villepin à la fin du mandat présidentiel de Jacques Chirac. Sa circonscription législative de l’Eure (il demeure candidat à la députation) est celle de l’ancien ministre de l’Intérieur et président du Conseil constitutionnel Jean-Louis Debré. La filiation avec le coeur de la droite gaulliste et chiraquienne est donc parfaite. Or lui, l’homme de droite, devra discuter âprement des budgets avec les trois autres «éléphants». Pas gagné. A moins qu’Emmanuel Macron, avec son premier ministre, Edouard Philippe, compte sur le vieil adage: diviser pour mieux régner…
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