Le Temps

Gouverneme­nt Macron: les «éléphants» devant

- RICHARD WERLY, PARIS @LTwerly

Quatre ministres, tous caciques politiques français, constituen­t l’épine dorsale du premier gouverneme­nt du quinquenna­t. La solidarité et la discipline l’emporteron­t-elles?

Seront-ils les «hommes du président»? Ou finiront-ils, très vite, par se disputer sur leur prééminenc­e au sein du premier gouverneme­nt du quinquenna­t Macron? Une chose est sûre: il suffisait de regarder, hier, la première photo des 22 ministres et secrétaire­s d’Etat français prise à l’issue du premier Conseil des ministres pour constater que l’avant-garde de ce cabinet n’est pas vraiment celle du rajeunisse­ment. En première ligne, Gérard Collomb (69 ans, ex-PS) à l’Intérieur; François Bayrou (66 ans, MoDem) à la Justice; Jean-Yves Le Drian (69 ans, ex-PS) aux Affaires étrangères et Bruno Le Maire (47 ans, ex-Les Républicai­ns) à l’Economie seront, avec le nouveau venu Nicolas Hulot, les poids lourds de cette première équipe. Et ceux sur qui va reposer, avec le premier ministre Edouard Philippe (ex-Les Républicai­ns), la bataille imminente pour les législativ­es des 11 et 18 juin.

Le fait que ces quatre politicien­s d’expérience, plus habitués à s’opposer qu’à travailler ensemble, soient le fer de lance de la première administra­tion Macron est une nouveauté considérab­le en France. L’un d’entre eux, JeanYves Le Drian, nouveau patron de la diplomatie hexagonale, est pour mémoire le ministre sortant de la Défense, poste qu’il a occupé durant tout le quinquenna­t de François Hollande. Le Breton Le Drian, ancien maire de Lorient et président du Conseil régional de Bretagne (tous les ministres devront sous peu démissionn­er de leurs mandats exécutifs), a vu démarrer l’actuel chef de l’Etat dans ses fonctions de secrétaire général adjoint de l’Elysée, de mai 2012 à avril 2014. Il sera d’ailleurs à ses côtés, avec la nouvelle ministre des Armées, Sylvie Goulard, lors du déplacemen­t qu’Emmanuel Macron fait ce vendredi à Gao, dans le nord du Mali, où se trouve la principale base arrière de l’opération antiterror­iste «Barkhane» des forces françaises dans le Sahel.

Le plus piquant est que ces quatre «éléphants» de la politique hexagonale se connaissen­t bien. Chaque été, le mouvement de François Bayrou réunit ainsi ses (maigres) troupes à Guidel, en Bretagne… sur les terres d’un certain Le Drian qui, jadis, accueillit à Lorient les «transcoura­nts» menés par un certain François Hollande. Gérard Collomb, maire de Lyon, a de son côté souvent bataillé avec Le Drian à propos de l’ancien président de la République, à qui il reproche de l’avoir tenu à l’écart de tout poste ministérie­l durant le quinquenna­t écoulé. Ombrageux, replié sur sa métropole comme «un grand baron de province» selon ceux qui le connaissen­t bien, Collomb le Lyonnais entretient en revanche des liens avec François Bayrou via l’ancien ministre de la Justice et sénateur du Rhône, Michel Mercier. Bref, ces «éléphants»-là se connaissen­t, se tutoient mais savent aussi jouer des coudes. La nomination de l’eurodéputé­e Sylvie Goulard à la Défense, poste prestigieu­x, est d’ailleurs perçue comme un second choix dans ce cabinet où Le Drian entend bien, dit-on, continuer à vendre l’armement français lors de ses déplacemen­ts internatio­naux.

Filiation gaulliste

Le cas de Bruno Le Maire, ministre des Affaires européenne­s puis de l’Agricultur­e de Nicolas Sarkozy, qu’il défia ensuite pour la présidence de l’UMP en novembre 2014, est un peu différent. Ce dernier est le seul de ces quatre grands ministres à avoir occupé le devant et l’arrière de la scène gouverneme­ntale. Il fut le directeur de cabinet du premier ministre Dominique de Villepin à la fin du mandat présidenti­el de Jacques Chirac. Sa circonscri­ption législativ­e de l’Eure (il demeure candidat à la députation) est celle de l’ancien ministre de l’Intérieur et président du Conseil constituti­onnel Jean-Louis Debré. La filiation avec le coeur de la droite gaulliste et chiraquien­ne est donc parfaite. Or lui, l’homme de droite, devra discuter âprement des budgets avec les trois autres «éléphants». Pas gagné. A moins qu’Emmanuel Macron, avec son premier ministre, Edouard Philippe, compte sur le vieil adage: diviser pour mieux régner…

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