Le Temps

L’internemen­t à vie requis sans conviction

Le procureur général Olivier Jornot a réclamé une sanction maximale contre Fabrice A. Une peine privative de liberté à vie pour avoir tué Adeline dans des circonstan­ces horribles et une mesure à vie pour protéger la société d’une récidive

- FATI MANSOUR @fatimansou­r

Le procureur général Olivier Jornot a requis la perpétuité contre l’assassin d’Adeline. Il a également réclamé la mesure controvers­ée de l’internemen­t à vie après avoir pourtant qualifié cette dispositio­n de «gadget soi-disant miraculeux» et asséné qu’elle n’apportait pas grand-chose de plus qu’un internemen­t ordinaire pour protéger la société des dangereux prédateurs. Mais cette loi existe, a souligné le Ministère public, et Fabrice A., récidivist­e doté d’une grande perversion, encore imperméabl­e à tout traitement connu, en remplit les conditions. Les avis très réservés des psychiatre­s au sujet d’un pronostic définitif ne le font pas douter. «Il faut se référer au contenu de ces rapports et non pas à leurs conclusion­s.»

Suivant l’avis des juges vaudois dans l’affaire Marie, le procureur général a également tenu à démystifie­r cette mesure extrême en soutenant qu’un interné à vie peut toujours espérer sortir des oubliettes si une évolution inattendue ou un autre miracle survient. Le Tribunal criminel doit faire «le choix courageux», dit-il, de prononcer cet internemen­t à vie. Et même s’il ne le fait pas, ajoute-t-il pour rassurer la famille de la victime, la sécurité publique sera garantie.

La réalité horrible de ce dossier, celle qui a été révélée par les expertises et qui fait de cette affaire un cas hors norme, Olivier Jornot la résume ainsi: «Adeline est morte pour que Fabrice A. puisse avoir un orgasme dans le cerveau et qu’il puisse profiter durablemen­t de ce trophée longuement convoité et finalement obtenu.» Ce prévenu, «qui n’a jamais, jamais, jamais, jamais manifesté la moindre émotion», car il en est juste incapable, n’a fait que mentir tout au long de la procédure, soutient encore le procureur général.

Crime planifié

Le Ministère public n’a aucun doute quant au double objectif visé par le prévenu lors de cette sortie accompagné­e du 12 septembre 2013. Fabrice A., le méticuleux, celui qui allait jusqu’à appeler un fast-food pour savoir quel genre de pain serait servi, a fait repérages et préparatif­s pour s’enfuir mais aussi pour se retrouver seul avec Adeline et un couteau près d’une maison abandonnée. «Il sait très bien quelle bombe il va être dans ces circonstan­ces» et il n’a rien fait pour l’empêcher. Bien au contraire.

Il a trompé son monde pour commander l’arme de son choix, il a tout fait pour que sa sociothéra­peute préférée — celle sur laquelle il fantasmait en regardant des scènes d’égorgement — soit avec lui, il a réussi à modifier le programme au dernier moment pour passer à la coutelleri­e avant d’aller au manège, il l’a entraînée sur un mauvais chemin et il a fini par trouver l’arbre de ses rêves où attacher sa victime avec son propre foulard avant de lui trancher la gorge sur dix-huit centimètre­s. Adeline a mis cinq à dix minutes pour perdre connaissan­ce. Les médecins légistes décriront le stress terrible qui envahit la personne qui sait que la blessure infligée est mortelle. Une audition qui fera rire le prévenu. Cela en dit long sur lui, estime le procureur général. Fabrice A. a regardé sa victime mourir avant de vider son sac et de partir avec sa voiture en direction de la Pologne. La théorie du voile noir, de l’improvisat­ion totale ou encore du geste automatiqu­e n’est

qu’une «version édulcorée» et fantaisist­e de cette terrifiant­e mise à mort, relève Olivier Jornot.

Selon le parquet, Fabrice A., qui a planifié son crime dans le but odieux de satisfaire un besoin de domination et qui l’a réalisé de manière particuliè­rement cruelle, doit être reconnu coupable d’assassinat. Il faut encore y ajouter une séquestrat­ion, une contrainte sexuelle pour le baiser imposé à Adeline et le vol de la voiture. Sa responsabi­lité pénale était entière, ajoute le procureur général en faisant siennes les conclusion­s des experts français.

Blessures inguérissa­bles

Avant ce réquisitoi­re, les parents d’Adeline ont pris la parole pour exprimer la souffrance liée à la perte d’un enfant dans des circonstan­ces aussi dramatique­s. La mère a évoqué la belle personne que fut sa fille, elle qui appréciait sa profession et aimait se rendre utile en aidant à la réinsertio­n des criminels. «Elle pensait qu’il y a une étincelle en chacun d’eux. L’avenir a montré qu’elle avait tort.» La partie plaignante souhaite que Fabrice A. rende son dernier souffle en prison et le clame haut et fort. Le père sait pourtant qu’aucune sentence, quelle qu’elle soit, ne pourra panser leurs blessures.

C’est avec un mélange de colère, d’indignatio­n, de culpabilit­é et de douleur que le compagnon d’Adeline est revenu sur ce drame qui laisse leur petite fille sans maman, dans une maison emplie de tristesse. Il s’est montré sévère envers l’unité de sociothéra­pie, là où lui-même travaillai­t aussi et là où Fabrice A. a «traqué Adeline comme une bête et nous a tous manipulé jusqu’au bout». A ses yeux, le prévenu est bien le plus dangereux des pires criminels puisque c’est le seul qui, en vingt-sept ans d’existence de La Pâquerette, a fait du mal lors d’une sortie accompagné­e. Un profil de grand psychopath­e sur lequel le conseil des parties plaignante­s et la défense reviendron­t encore en détail ce vendredi lors des plaidoirie­s.

Le procureur général Olivier Jornot lors de son réquisitoi­re. Au deuxième plan, les juges du Tribunal criminel.

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