Après cinq ans, les Abenomics portent leurs fruits
L’économie japonaise a enregistré une hausse de sa croissance de 0,5% de janvier à mars 2017 par rapport au trimestre précédent. Pour les analystes, elle est sortie du tunnel grâce aux mesures de relance initiées par le premier ministre, Shinzo Abe
Entre janvier et mars 2017 et pour le cinquième trimestre consécutif, le Japon a aligné une croissance continue de son produit intérieur brut (PIB). Du jamais vu depuis 2006. Avec une hausse de 0,5% par rapport au précédent trimestre, la troisième puissance économique mondiale s’offre un rebond durable. Sur l’ensemble de l’année, la progression sera de 2,2%, selon les projections de Tokyo.
«La stratégie des Abenomics a fini par donner des résultats», explique Christophe Dumont, économiste chez Candriam Investors Group, gestionnaire de fonds basé à Bruxelles et à Paris. Lancée fin 2012 par le premier ministre Shinzo Abe revenu au pouvoir, elle s’est traduite par un programme massif de relance pour donner une impulsion à une économie au mieux stagnante, au pire en récession depuis 2006. «La largesse budgétaire accompagnée d’une politique monétaire agressive de la Bank of Japan, la banque centrale, ainsi que des réformes structurelles – les trois flèches d’Abenomics – ont remis l’économie japonaise sur les rails, poursuit l’économiste. Le Japon profitera de la reprise non seulement aux Etats-Unis et dans la zone euro, mais aussi dans les grands pays émergents qui restent dynamiques.»
«Importantes subventions étatiques»
Le gouvernement japonais a entamé son programme de relance pour améliorer les infrastructures publiques et donner un coup de fouet à l’activité économique, rappelle Alan Mudie, responsable de la stratégie d’investissement à la Société Générale Private Banking (SocGen) et responsable pour la Suisse. «Les transports, le réseau électrique et la production d’électricité dans le but de réduire la dépendance du nucléaire reçoivent d’importantes subventions étatiques, dit-il. Les dépenses liées à l’organisation des Jeux olympiques de 2020 soutiennent la stratégie de relance par des investissements publics.»
Le marché intérieur (consommation des ménages et des entreprises) a modérément augmenté à 0,4% au premier trimestre 2017. Sur le plan intérieur, l’impulsion a été donnée par les investissements étrangers et les achats publics. Le rebond de la croissance est davantage lié à la conjoncture mondiale positive, ce qui constitue une aubaine pour les exportations japonaises. Entre janvier et mars 2017, celles-ci ont ajouté 0,1 point de pourcentage à la croissance. «Tout indique que les bonnes conditions prévaudront durant toute l’année», explique Christophe Dumont de Candriam.
Pour Arthur Jurus, économiste et stratège à la banque Mirabaud à Genève, la Chine, deuxième client pour les exportations japonaises (18%) derrière les Etats-Unis (19%), représente un risque. «Un ralentissement lié au durcissement des conditions financières n’est pas exclu au deuxième trimestre», dit-il. Et de rappeler que le risque lié à une appréciation du yen en réaction à la hausse de l’incertitude politique dans le monde est réel: «Un yen fort freine les exportations.»
«On espère un retour à la dette qui serait synonyme d’investissements productifs»
ALAN MUDIE, RESPONSABLE DE LA STRATÉGIE D’INVESTISSEMENT À LA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE PRIVATE BANKING
La dette publique (234% du PIB) et la dette privée (135,1% du revenu imposable des Japonais) ne constituent-elles pas aussi un frein à une croissance durable? «Non», s’exclame Alan Mudie qui table sur une croissance nominale du produit intérieur brut de 1,9% en 2017. «Compte tenu du bon départ de l’économie et de l’assainissement graduel des finances d’Etat, la dette publique serait maîtrisable dans la mesure où la croissance serait plus vigoureuse que le taux de rendement des obligations d’Etat.» En ce qui concerne la dette des entreprises, le stratège de la SocGen affirme que ces dernières ont surtout épargné ces dernières années par manque de visibilité et préféré constituer des réserves: «On espère un retour à la dette qui serait synonyme d’investissements productifs.»
L’économie japonaise fait face à une difficulté liée à la population vieillissante. Selon l’OCDE, entre 1999 et 2014, 21% des PME, soit un million d’unités, ont cessé leurs activités en raison de la retraite de leurs propriétaires.