La logique de «Jupiter»
La coïncidence vaut toutes les campagnes de publicité politique. Lorsque le chef d’état-major Pierre de Villiers a rendu publique sa démission mercredi matin, le film Dunkerque démarrait sa carrière en salles. On connaît l’histoire de cette tragédie survenue en mai 1940. Un commandement français totalement dépassé par l’avancée des chars allemands. La perte de confiance irrémédiable de Winston Churchill envers son allié continental. L’évacuation des troupes britanniques comme seule solution. Un épisode à la fois révélateur, alors, du manque de leadership hexagonal, et de la débâcle matérielle d’une armée qui n’avait rien compris à la guerre blindée…
Le parallèle, 77 ans après, mérite d’être fait. En clamant d’emblée qu’il est le seul chef des armées, et qu’il tiendra ses promesses budgétaires en matière de défense à l’aune de son quinquennat, Emmanuel Macron a fait preuve de logique. La priorité, pour lui, est au redressement budgétaire de la France et à la cohérence du pouvoir exécutif. L’armée est un test de sa volonté politique globale. Avec, en arrière-plan, l’intention de mettre les partenaires européens de la France devant leurs engagements, à commencer par l’Allemagne. Puisque les soldats français défendent, au Sahel et au Moyen-Orient, les intérêts d’une Europe fragilisée par le Brexit, les alliés de Paris doivent aussi – et vite – mettre la main au portefeuille.
Ce pari met le locataire de l’Elysée dans la position qu’il affectionne et qui lui a jusque-là tant réussi: celle du transgresseur. Avec un revers: à trop vouloir regarder vers l’avenir, et à trop négliger les hommes de troupe exposés par les déficiences de leur matériel, Emmanuel Macron prend le risque d’apparaître comme insensible, voire déjà happé par sa tour d’ivoire présidentielle. Il lui faudra, très vite, pour panser cette plaie kaki, démontrer aux militaires, et à leurs familles, qu’ils ne sont pas juste une variable d’ajustement de la «Macronie» conquérante.
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