La concentration s’accélère dans la presse romande
Un jour après celle du «Matin» et de «20 minutes», l’éditeur zurichois annonce la fusion des rédactions de «24 heures», de la «Tribune de Genève» et du «Matin Dimanche»
Tamedia regroupe ses rédactions romandes à Lausanne
Après la disparition de L’Hebdo, la concentration dans le secteur des médias s'accélère encore davantage en Suisse romande. Le lendemain de l'annonce de la fusion des rédactions du Matin et de 20 minutes – l'avenir du quotidien orange, sur la sellette, semble fragile –, Tamedia a annoncé hier le regroupement des journalistes de 24 heures, de la Tribune de Genève et du Matin Dimanche à Lausanne. Si chaque titre gardera son identité, une grande partie du contenu de ces trois journaux sera mutualisé. Aucune suppression d'emplois n'est prévue pour 2017.
Conséquence la plus spectaculaire? Une grande partie de la Tribune de Genève sera déplacée dans la capitale vaudoise, un choc culturel pour beaucoup. Comme en 2016, lorsque Ringier (éditeur du Temps) avait regroupé l'essentiel de ses troupes à Lausanne.
Les autorités genevoises ont réagi. «Ces regroupements sont un danger pour la démocratie», estime Sandrine Salerno, conseillère administrative de Genève. «L'homogénéisation des contenus n'est pas un très bon signe», enchérit le président du Conseil d'Etat, François Longchamp. Le responsable de la communication de Tamedia assure que «l'ancrage de la Tribune de Genève est et restera dans le canton».
Au lendemain de l’officialisation de la fusion des rédactions du Matin et de 20 minutes, Tamedia a annoncé ce mercredi le regroupement de ses autres journalistes en Suisse romande.
Les principales rubriques – Suisse, Monde, Economie et Sport – de 24 heures, de la Tribune de Genève et du Matin Dimanche vont être fusionnées à partir du 1er janvier 2018. Cette concentration, partie du programme d’économies que Tamedia a baptisé «Projet 2020», mènera à la production d’articles supra-régionaux communs.
«Une révolution culturelle»
La fusion donnera naissance à une rédaction commune à Lausanne. De fait, une grande partie des journalistes de la Tribune de Genève sera déplacée dans la capitale vaudoise. Comme en 2016, lorsque Ringier (éditeur du Temps) avait regroupé l’essentiel de ses troupes à Lausanne, les autorités genevoises ont réagi à cette annonce, mercredi.
Ariane Dayer, rédactrice en chef du Matin Dimanche, conserve son poste et sera également la responsable de la nouvelle entité, qui comprendra environ 50 postes en équivalents plein-temps (EPT), a annoncé mercredi Tamedia dans un communiqué. «C’est une grosse réforme, une révolution culturelle», a résumé Ariane Dayer, interrogée par l’ATS.
«Elle est la bonne personne, la plus pertinente, pour diriger ce qui s’annonce comme une entité difficile à piloter», commente un responsable du secteur des médias qui souhaite conserver l’anonymat. «D’un point de vue stratégique, ce que Tamedia fait est juste, observet-il également. Les deux journaux [24 heures et la Tribune de Genève, ndlr] vont beaucoup se ressembler, mais c’est déjà le cas actuellement. Sauf qu’à l’avenir, cela coûtera moins cher de les produire.»
Dans sa communication, la direction de Tamedia insiste sur le maintien d’une certaine autonomie éditoriale pour chaque titre. Chacun d’entre eux conservera une rédaction en chef qui lui sera propre. Dans les faits, considère-t-on à l’interne, cela concerne surtout les rubriques locales et culturelles.
«Etant donné les économies que l’on est censé réaliser, je vois mal comment on pourrait se contenter de se regrouper, et éviter de réduire la masse salariale» UN EMPLOYÉ DE TAMEDIA
Pas de licenciements en 2017
Aucune suppression d’emplois n’est prévue pour 2017. Mais Tamedia, qui, en Suisse romande, s’est séparé d’une trentaine de collaborateurs l’automne dernier, laisse la porte ouverte à des licenciements en 2018. Le groupe écrit qu’«en raison de la baisse des recettes publicitaires ces prochaines années, nous ne serons plus en mesure de repourvoir tous les postes libérés dans le cadre des fluctuations naturelles».
Sous le couvert de l’anonymat, un employé du groupe pronostique une saignée imminente: «Etant donné les économies que l’on est censé réaliser, je vois mal comment on pourrait se contenter de se regrouper, et éviter de réduire la masse salariale.»
Dans les autres titres romands de Tamedia, les effectifs vont se réduire. Mardi, Tamedia avait annoncé la fusion des rédactions du Matin et du journal gratuit 20 minutes. Un regroupement qui donnera naissance à une rédaction commune de plus d’une centaine de personnes, mais qui mène aussi à la suppression de six postes de travail à Lausanne, dont quatre de journaliste. De l’avis de certains observateurs, cette concentration offre surtout un sursis au Matin, déficitaire depuis une vingtaine d’années.
Pour l’heure, la réorganisation annoncée mercredi ne concerne que les journalistes. Mais un regroupement de la production éditoriale (mise en page, photo, correction) est également envisagé, comme en Suisse alémanique, où le projet est plus avancé.