La guerre au financement du terrorisme se révèle remarquablement peu efficace
L’écrasante majorité des groupes visés dépensent peu et se débrouillent avec les gains de leurs membres ou ceux de la petite délinquance
Face à des groupes terroristes qui s’autofinancent et mènent des attaques qui coûtent de moins en moins cher, la lutte contre le financement du terrorisme est un échec, assurent des experts.
Si les mesures internationales contre le financement du terrorisme adoptées après le 11 septembre 2001 ont eu un impact et restent nécessaires, elles sont loin d’être suffisantes pour entraver l’action d’organisations comme Al-Qaida ou l’Etat islamique, ou de djihadistes inspirés par leur redoutable propagande, ajoutent-ils.
Dans une tribune intitulée «Ne suivez pas l’argent» (en référence au mantra du film américain Les hommes du président, «Follow the money» – «Suivez l’argent»), Peter Neumann, directeur du Centre international d’étude de la radicalisation (ICSR), au King’s College de Londres, affirme que «plus de quinze ans après le début de la «guerre à la terreur» lancée par les Etats-Unis, la guerre au financement du terrorisme a échoué».
Des attaques à 10 000 dollars
«La plupart des attentats ne nécessitent que très peu d’argent, et les terroristes utilisent de nombreuses méthodes de financement et de transferts de fonds qui ne passent pas par le système financier international, écrit-il. La guerre au financement du terrorisme telle qu’elle est menée depuis 2001 a souvent été coûteuse et improductive.»
En janvier 2015 une chercheuse norvégienne, Emilie Oftedal, a étudié pour le compte du Norwegian Defense Research Establishment (FFI) 40 cellules terroristes qui ont, entre 1994 et 2013, organisé ou tenté d’organiser des attentats en Europe. Le résultat est que dans les trois quarts des cas le montant des sommes en jeu pour l’organisation des attaques n’a pas dépassé 10000 dollars.
«Les terroristes collectent, transfèrent et dépensent l’argent de façon remarquablement ordinaire, écrit-elle dans son rapport. La source de financement la plus fréquente sont les salaires et les économies des membres, suivie par la petite délinquance.»
Un moyen de plus en plus répandu, qui a servi notamment lors des attaques de 2015 en France, est le recours à des crédits à la consommation auprès d’organismes spécialisés, le plus souvent sur la base de faux documents.
Seul le quart des réseaux étudiés a reçu de l’argent d’une organisation terroriste internationale, sans pour autant dépendre exclusivement d’un tel soutien extérieur.
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