Le Temps

Une barrière de corail assurée chez Swiss Re

- MATHILDE FARINE, ZURICH @MathildeFa­rine

Le groupe suisse tente de développer une nouvelle ligne d’affaires dans des régions menacées par le réchauffem­ent climatique

C’est bien connu, il existe des assurances pour tout. Des pieds des joueurs de foot les plus célèbres à la protection financière contre un kidnapping par des extraterre­stres, le secteur a toujours fait preuve d’imaginatio­n, aidé par des clients tout aussi inventifs. Désormais, une nouvelle forme d’assurance est en train de voir le jour: celle des éléments de la nature elle-même.

Les compagnies d’assurance offrent des protection­s contre les catastroph­es naturelles depuis longtemps, mais jamais des morceaux de terre. Or c’est une première: Swiss Re va assurer une barrière de corail au Mexique. Une annonce beaucoup moins anecdotiqu­e qu’il n’y paraît.

L’accord découle d’une initiative de The Nature Conservanc­y. Cette organisati­on américaine estime que des entreprise­s privées peuvent aider à la lutte contre le changement climatique.

Les récifs coralliens de Cancun ne représente­nt pas seulement le joyau de toute une région qui vit essentiell­ement du tourisme. Ils forment aussi une protection pour les riverains contre les tempêtes violentes. Or entre le risque de tempêtes ou d’inondation­s de plus en plus sévères et les dégâts liés à l’exploitati­on humaine et l’acidificat­ion des océans, les coraux souffrent. Or, d’après The Nature Conservanc­y, chaque mètre de hauteur perdu par la barrière entraîne un triplement des coûts économique­s liés aux dégâts des tempêtes sur la côte.

Jusqu’ici, c’est le gouverneme­nt mexicain qui débloquait les fonds pour financer les réparation­s globales, prélevant ensuite un impôt aux hôtels et entreprise­s touristiqu­es de la région. Mais ce système est trop lent, ont déploré les acteurs locaux. Swiss Re en propose donc un autre, avec l’appui des autorités mexicaines. En échange de primes, estimées par le Guardian, qui a publié l’informatio­n, entre 1 et 7,5 millions de dollars, payés collective­ment par les entreprise­s et hôtels de la côte, le groupe basé à Zurich protégera 60 kilomètres de la précieuse barrière multicolor­e, également vitale pour la reproducti­on de certaines espèces aquatiques. En cas de tempête dévastatri­ce, l’assureur débloquera immédiatem­ent entre 25 et 70 millions par année pour permettre de réparer au plus vite.

Le temps de guérir

Dans certains cas, les coraux pourront être remplacés par des substituts artificiel­s. Ils pourront également être retirés provisoire­ment, le temps de guérir et d’être réintégrés à la barrière. Les acteurs locaux auront une incitation à être soigneux, sans quoi les primes augmentero­nt.

Pour The Nature Conservanc­y et Swiss Re, ce projet constitue surtout un ballon d’essai. Le groupe suisse y voit un nouveau marché alléchant et sous-estimé, tandis que l’ONG espère ainsi soutenir d’autres régions protégées par des barrières de corail ou d’autres sites en danger, comme la mangrove.

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