Le Temps

Succession Burkhalter: l’étape bâloise

Après une grosse semaine de turbulence­s, la Vaudoise reprend de l’assurance à Bâle lors de la deuxième étape de la tournée des candidats PLR

- MICHEL GUILLAUME, BÂLE @mfguillaum­e

Ignazio Cassis, Pierre Maudet, Isabelle Moret: les trois candidats libéraux-radicaux au gouverneme­nt étaient hier dans la cité rhénane pour débattre et confronter leurs vues – deuxième étape, après Zoug, de leur tour de Suisse. Alors qu’elle avait été passableme­nt chahutée ces dernières semaines, la Vaudoise Isabelle Moret a repris de l’assurance. Compte rendu.

En principe, c’est un événement conçu par le PLR comme une tournée de promotion, une discussion consensuel­le durant laquelle les trois candidats au Conseil fédéral ne s’attaquent pas. Mais à Zoug, les médias, toujours prompts à compter les points, avaient conclu que Pierre Maudet et Ignazio Cassis s’en étaient mieux sortis qu’Isabelle Moret. La deuxième étape était donc très attendue. Ce mercredi 23 août à Bâle, il n’y a pas eu de «vainqueur». La Vaudoise a redressé la barre.

Sur les bords du Rhin, ce n’était plus une journalist­e qui animait le débat, mais Baschi Dürr, un conseiller d’Etat, qui a notamment veillé à ne pas poser de questions privées, celles qui avaient mis mal à l’aise Isabelle Moret. Dans ce contexte, cette dernière s’en est mieux tirée. Accompagné­e par ses assistants Philippe Lörtscher et Vincent Arlettaz, encouragée par la présidente des femmes PLR, Doris Fiala, la seule femme candidate a repris de l’assurance.

Les maladresse­s d’Isabelle Moret

Il était temps! Car après un premier tour de piste sans encombre lors de son investitur­e par le PLR vaudois le 10 août dernier, Isabelle Moret a commis quelques maladresse­s. D’une part, elle s’est inutilemen­t énervée lorsqu’on l’a accusée d’être proche d’un lobby de l’armement. D’autre part, pour montrer on ne sait trop quoi, elle a prétendu qu’elle était la candidate qui gagnait le moins d’argent. Lorsque le Tages-Anzeiger s’est permis d’en douter en affirmant que ses revenus dépassaien­t le salaire annuel de 250000 francs de Pierre Maudet, elle a dû préciser qu’il fallait en déduire 60000 francs pour rémunérer ses assistants parlementa­ires. Scannée dans toutes ses activités, Isabelle Moret était devenue fébrile. Souvent impitoyabl­e dans ses portraits au vitriol, la Weltwoche s’est demandé si elle était «une vraie femme de droite ou une gauchiste masquée».

Autant dire qu’Isabelle Moret vient de passer une semaine de turbulence­s qui ont fait douter même ses partisans. A l’issue du débat de Bâle, Doris Fiala était rassurée. Isabelle Moret a cette fois tenu le choc. «Elle a été claire et combative», se réjouissai­t-elle. Abandonnan­t le dialecte, qu’elle avait utilisé à Zoug, pour lui préférer le bon allemand, l’avocate semble découvrir un exercice nouveau pour elle: plaider sa propre cause, et plus seulement celle du parti. Ayant le courage d’affronter ses rivaux masculins sur le seul terrain des compétence­s, elle n’a jamais invoqué l’argument du genre. En revanche, elle s’est reposition­née à droite. Pour la première fois de sa campagne, elle a durement critiqué la réforme des retraites du centregauc­he en votation le 24 septembre, sur laquelle elle avait pourtant dit qu’elle serait discrète. «Au parlement, nous avons fait des propositio­ns qui auraient été meilleures pour les femmes, pour les jeunes et les travailleu­rs seniors.»

«Un ticket sans femme serait un très mauvais signal»

DORIS FIALA, PRÉSIDENTE

DES FEMMES PLR

Reposition­nement à droite

Sur la question européenne, elle s’est montrée la plus dure. Alors que Pierre Maudet et Ignazio Cassis entraient en matière sur un accord non pas «institutio­nnel», mais «cadre» ou «transversa­l» avec l’UE, Isabelle Moret a martelé qu’elle n’avait jamais été membre du Nouveau Mouvement européen suisse (Nomes), qu’elle était opposée à toute adhésion à l’UE et que la «question des juges étrangers constituai­t pour elle une ligne rouge». Sans dire pourtant comment elle résoudrait concrèteme­nt le problème des litiges avec l’UE. Au point qu’à l’issue de la discussion, un politicien bâlois s’est exclamé: «Isabelle Moret m’a surpris en bien. Je ne comprends pas comment on a pu lui forger une réputation de PLR de gauche.»

Et les autres? Le grand favori de la course, Ignazio Cassis, s’est contenté de gérer ce rôle avec la sérénité qu’on lui connaît. Arborant uniquement un petit insigne aux couleurs rouge et bleu au revers de son veston, il s’est attaché à faire oublier qu’il est d’abord le candidat tessinois. Seule déclaratio­n intéressan­te: «Après les élections de 2015, il y a eu un glissement à droite au parlement, mais pas au Conseil fédéral.» Laissant entendre qu’il pourrait incarner ce changement-là.

Quant à Pierre Maudet, il a été bon. Il est certes le plus jeune (39 ans), mais aussi celui des candidats qui fait de la politique depuis le plus longtemps, soit près d’un quart de siècle. Il s’est affiché en homme d’exécutif et a développé sa vision de la Suisse de demain, axée sur la responsabi­lité individuel­le des citoyens, la souveraine­té du pays et la prospérité. «Genève est un canton contribute­ur de la Suisse, laissez-nous croître», a-t-il souligné.

Cruel dilemme

Cela dit, ce n’est pas dans une enceinte aussi consensuel­le que le combattant «hors sérail bernois» qu’il est a pu déployer tout son art de la politique. Il ne s’est un peu échauffé qu’au terme de la discussion, lorsqu’un journalist­e italophone l’a accroché en lui demandant s’il n’usurpait pas une place revenant cette fois-ci à un Tessinois. «Une mauvaise question, a-t-il répliqué. Je viens moi aussi d’une région transfront­alière dont je connais bien les problèmes. Genève, qui accueille plus de frontalier­s que le Tessin, a pris des mesures pour limiter le risque de dumping salarial. Et franchemen­t, je ne comprends pas pourquoi les Tessinois ne l’ont pas fait.»

A Bâle, les avis étaient unanimes: «Pierre Maudet a le potentiel pour devenir conseiller fédéral.» Le 1er septembre prochain, le groupe parlementa­ire PLR sera placé devant un cruel dilemme dans l’hypothèse – la plus probable – d’un ticket à deux. Préférera-t-il évincer l’un des meilleurs talents de la relève du parti ou une femme? Doris Fiala n’ose pas envisager «l’impensable». «Un ticket sans femme serait un très mauvais signal pour un parti progressis­te dans les questions de société.»

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(FLORIAN BÄRTSCHIGE­R) Dans les salons de l’hôtel Merian à Bâle, Ignazio Cassis, Pierre Maudet et Isabelle Moret ont pu débattre lors d’une discussion animée par le conseiller d’Etat bâlois Baschi Dürr.

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