Le Temps

Retraites: la vraie bataille commence le 25 septembre

- JEAN-CLAUDE RENNWALD, POLITOLOGU­E, MILITANT SOCIALISTE ET SYNDICAL

Tel que prévu par la réforme de la Prévoyance vieillesse 2020, le relèvement de l’âge de la retraite des femmes de 64 à 65 ans est problémati­que:

• Il ouvrira un boulevard à la droite et au patronat pour fixer l’âge de la retraite à 67 ans.

• Le relèvement de l’âge de la retraite accroîtra le chômage, d’autant plus que dès 55 ans, il est difficile de retrouver un emploi.

• Il confortera la position de la Suisse comme l’un des pays européens où la durée du travail est la plus élevée.

• Des pressions s’exerceront sur les convention­s collective­s de travail (CCT) qui offrent des conditions plus généreuses (constructi­on, artisanat, horlogerie), alors qu’il sera difficile d’introduire des solutions plus sociales dans d’autres CCT. Dans un autre domaine, le temps de travail n’a guère évolué à la baisse dans les CCT depuis le rejet massif (75% de non) de l’initiative pour la semaine de 36 heures, en 2002.

Cette «réforme» n’accorde pas un seul centime aux retraités actuels – ce qui porte atteinte au principe d’universali­té des rentes AVS –, alors que beaucoup d’entre eux sont en situation précaire et qu’ils devront payer la hausse de la TVA!

C’est au niveau de la relation entre l’âge de la retraite et l’égalité des salaires que la Prévoyance vieillesse 2020 pose le plus de questions. La différence entre hommes et femmes est encore de 19,5% dans le secteur privé et de 16,6% dans le public, et ne s’explique que partiellem­ent par des motifs objectifs (âge, formation, années de service). Certaines femmes se déclarent disposées à travailler une année de plus, à condition que l’on mette fin aux discrimina­tions salariales. Or, le projet que le Conseil fédéral a mis en consultati­on début juillet ne donne aucune garantie, car il se caractéris­e par une absence totale de sanctions à l’égard des employeurs récalcitra­nts. Comme diraient les joueurs de cartes, les femmes qui soutiennen­t ce «compromis» pourraient se retrouver «pomme avec le bour». C’est d’autant plus regrettabl­e qu’une égalité salariale complète augmentera­it les recettes de l’AVS.

Quel que soit le résultat du 24 septembre, rien ou presque ne sera réglé:

• La droite politique et économique va reprendre ses attaques, en exigeant un relèvement de l’âge de la retraite à 67 ans.

• Nombre des revendicat­ions en faveur d’un régime de retraites plus social ne seront toujours pas satisfaite­s.

• La question du financemen­t va se reposer. A l’avenir, les éléments suivants nous paraissent prioritair­es:

• Augmentati­on des rentes valables pour tous les retraités, actuels et futurs.

• Reprise de l’idée tracée voici deux ans dans un ouvrage collectif (La Gauche fait le poing, Editions Favre) par Stéphane Rossini: «La retraite après quarante années d’activité profession­nelle ou dès 62 ans, du moins pour celles et ceux qui ont pratiqué des métiers pénibles, est réaliste et financière­ment supportabl­e.» Ce principe permet une certaine flexibilit­é.

• Une vraie flexibilit­é peut aussi être introduite par une retraite à la carte dès 62 ans, sans diminution de rente pour ceux qui gagnent moins de 6200 francs par mois (montant du salaire médian), par exemple. Le 26 novembre 2000, 46% des votants avaient accepté une initiative de ce type, ce qui n’est pas rien. Le projet du parlement prévoit une réduction de 11,4% de la rente AVS en cas de retraite anticipée à 62 ans.

• Incitation­s à la retraite progressiv­e. Inaugurée au sein de l’entreprise chimique Firmenich, à Genève, elle est aussi pratiquée dans l’horlogerie et permet aux travailleu­rs de réduire leur temps de travail de 20% durant leur avant-dernière année d’activité et de 40% pendant la dernière. Le travailleu­r ne perd rien au niveau de son deuxième pilier et touche la moitié de son salaire les jours où il ne travaille pas. A la fin, il travaille donc trois jours par semaine.

La gauche politique et syndicale ne saurait se désintéres­ser des finances de l’AVS:

• La solidité financière de l’AVS dépend avant tout d’une croissance économique forte, durable et qualitativ­e, de l’ordre de 3%, qui favorise des hausses salariales, et donc une augmentati­on des recettes provenant des cotisation­s. Or, les collectivi­tés publiques mènent des politiques d’austérité qui sapent cet objectif.

• L’augmentati­on des cotisation­s salariales est incontourn­able, mais comme le soulignait le sociologue et démographe Pierre Gilliand, voici plus de quarante ans déjà, il faut veiller à ne pas trop imposer le travail par rapport au capital.

• Parmi les autres financemen­ts possibles, on citera: l’impôt sur les succession­s, l’impôt sur les gains en capital, l’impôt sur les transactio­ns financière­s, la taxation des robots ou encore une hausse de la TVA, moins inacceptab­le lorsqu’elle sert à financer des tâches sociales.

Toutes ces propositio­ns ne doivent être considérée­s que comme des pistes de réflexion. Mais comme des pistes susceptibl­es de redonner de l’espoir aux travailleu­rs, aux femmes et aux retraités, notion insuffisam­ment présente dans la Prévoyance vieillesse 2020.

C’est au niveau de la relation entre l’âge de la retraite et l’égalité des salaires que la Prévoyance vieillesse 2020 pose le plus de questions

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