Le Temps

L’e-commerce affecte aussi le haut de gamme

Manor annonce la suppressio­n de 200 emplois à Bâle. La chaîne de grands magasins souffre de la concurrenc­e des ventes en ligne et du tourisme d’achat. En dépit de son positionne­ment particulie­r

- SERVAN PECA @servanpeca

Manor non plus n'est pas épargné. Avec son positionne­ment moyen à haut de gamme, sa présence dans les centres-villes plutôt que dans les centres commerciau­x, la chaîne de magasins bâloise semblait plus à même de résister à l'explosion du commerce en ligne.

C'était mésestimer la vitesse à laquelle les habitudes de consommati­on ont évolué. Manor a annoncé jeudi la suppressio­n de 200 postes «au maximum» dans son siège de Bâle, dans lequel travaillen­t un millier de personnes. C'est sa deuxième restructur­ation en deux ans.

Le groupe «fait face depuis plusieurs années à des changement­s profonds de son environnem­ent et à un marché de plus en plus exigeant», justifie-t-il dans un communiqué. Les causes de ces difficulté­s sont identifiée­s: la force du franc et la tendance grandissan­te des Suisses à passer la frontière pour faire leurs emplettes. La région bâloise y est particuliè­rement exposée et Manor ne fait pas exception, souligne Sascha Jucker, économiste de Credit Suisse et auteur de l'étude «Retail Outlook».

En 2015, lorsque la Banque nationale suisse (BNS) avait abandonné le taux plancher et que le franc s'était envolé de 15%, le secteur de l'habillemen­t avait réduit ses effectifs de 14% dans le canton de BâleVille. C'était deux fois plus que la moyenne suisse, rappelle-t-il.

Le problème n’est pas Manor

Mais les difficulté­s de Manor, comme pour les autres magasins du pays, sont aussi et surtout liées à la concurrenc­e des Zalando, Amazon et autres Alibaba. En 2015, selon les calculs de Credit Suisse, les Suisses ont dépensé 7,5 milliards de francs sur Internet. Et, selon les prévisions de la banque, la part des achats en ligne pourrait doubler, de 5 à 10% du total des ventes d'ici à 2022.

A quel point Manor est-il affecté? Depuis l'an dernier, le groupe ne publie plus ses chiffres. Aux dernières nouvelles, en 2015 donc, ses ventes avaient reculé de 2,9%, à 2,64 milliards de francs.

De l'avis de Jan Tanner, le président du Conseil suisse des centres commerciau­x (SCSC), les difficulté­s rencontrée­s par Manor ne sont pas la conséquenc­e d'une mauvaise gestion. «L'entreprise est bien positionné­e, dans son créneau de qualité supérieure pour laquelle les consommate­urs sont prêts à payer.»

Elle n'est pas non plus dépassée par les nouvelles technologi­es, selon lui. «C'est une société innovante et bien informée de ce qui se passe dans son secteur et à l'étranger. Son site internet et sa nouvelle applicatio­n, liée à la carte Manor, sont très bien conçus, notamment pour marier commerce en ligne et commerce stationnai­re.»

Signe que Manor n'est pas seul dans cette situation, Globus, qui occupe un positionne­ment comparable, a également souffert en 2016. Ses ventes ont baissé de 5,4%.

Le réseau sera réévalué

Dans sa communicat­ion, jeudi, Manor n'anticipe pas de changement­s «conséquent­s» dans son réseau de grands magasins, de supermarch­és et de centrales de distributi­on, mais que sa pertinence sera constammen­t réévaluée.

Manor prévoit d'améliorer sa présence numérique, notamment en proposant sur Internet une offre plus large que dans ses magasins. Dans l'immédiat, la moitié des postes qui seront supprimés le seront par des externalis­ations (outsourcin­g) et par des non-remplaceme­nts de places déjà vacantes. Manor assure aussi qu'un plan social a été proposé et approuvé par la commission du personnel.

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(WALTER BIERI/KEYSTONE) Manor supprime 200 emplois à Bâle. En 2015, le groupe y avait déjà biffé 139 postes.

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