Métamorphoses dans un jardin alpin
Naomi Del Vecchio dessine la botanique et le jardinage dans une exposition à voir à Meyrin. L’artiste genevoise signe également un livre délicat et empreint d’humour sur les trésors de la flore
Indissociable du livre – petit, mais riche en connaissances et germes de poésie – qui l’accompagne, l’exposition conçue par Naomi Del Vecchio au Jardin botanique alpin de Meyrin se découvre comme on déchiffre le monde: en se promenant, le regard ouvert, l’esprit curieux. Dans l’environnement vert («le vert aurait une influence apaisante […], il stimule la créativité», rapporte l’artiste) du parc créé à Meyrin par le négociant en tissus Amable Gras, et récemment adoubé en tant que jardin botanique, on remarquera de discrets panels porteurs d’inscriptions et de dessins d’une grande finesse.
A l’image des plantes «timides» auxquelles, parmi d’autres, il est fait allusion, ces écriteaux profitent de leur réserve même, qui incite le spectateur à les observer dans leur interaction avec les fruits de la nature que sont les arbres, les plantes, les herbes.
Dictons et sagesse populaire
Il serait dommage de passer à côté sans chercher les renvois au livre intitulé Belles plantes, fines herbes et vieilles branches (Ed. Le Cairn), lui-même fruit d’un projet qui aura duré deux ans, et d’une résidence dans la villa du parc, rebaptisée le Cairn. En étroite collaboration avec les jardiniers, qui sèment sans cesse de nouvelles espèces et ont planté 23000 bulbes en automne 2015, et au fil de lectures assidues, l’artiste a recueilli de nombreuses informations et fables allégoriques.
La récolte de Naomi Del Vecchio recense ainsi, avec délicatesse et humour, les dictons et pratiques de la sagesse populaire, mais aussi le travail plus cartésien inauguré par Linné, dans une volonté de clarification et de systématisation. On se promènera d’ailleurs dans son recueil comme dans le jardin, au gré des envies, butinant ici et là et admirant beaucoup.
Entre écriture et image
La morphologie, les us et coutumes, les stratégies surprenantes et les pouvoirs des arbres, leur «intelligence», leur beauté, leurs ressemblances et leurs dissemblances avec les hommes, se voient ainsi pointés, aussi bien in situ que dans l’ouvrage.
Chaque dessin est en lui-même un petit poème, dans le sens où il résume une histoire, une émotion, s’attache à un détail significatif et donne à ces entités vivantes que sont les plantes la possibilité de s’éloigner de leur lieu d’attache. A la différence des animaux et des humains, en effet, les végétaux doivent, pour explorer le monde, se déplier dans l’espace, et déployer leurs racines sous terre.
Dans une formule réussie, les dessins de Naomi Del Vecchio, artiste qu’intéressent les interactions de l’écriture et de l’image, respirent sur la page où ils font vivre le texte et inversement.
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