Le Temps

Les juifs américains en colère contre Donald Trump

Les déclaratio­ns du président après les émeutes de Charlottes­ville ont ulcéré une bonne partie de la communauté. Des rabbins ont d’ores et déjà annoncé qu’ils boycottera­ient une réunion traditionn­elle avec la Maison-Blanche. Les incidents antisémite­s ont

- VALÉRIE DE GRAFFENRIE­D, NEW YORK @VdeGraffen­ried

Irrités par la passivité de Donald Trump face aux néonazis, des rabbins boycottero­nt la conférence avec la Maison-Blanche traditionn­ellement prévue avant les fêtes juives. Le soutien de Benyamin Netanyahou au président américain ne fait que renforcer leur colère

Donald Trump n’est pas le seul à avoir mis du temps à condamner les suprémacis­tes blancs et les néonazis après le drame de Charlottes­ville: le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou n’a pas non plus montré beaucoup d’empresseme­nt à le faire. Se sentant toujours plus lâchés, à la fois par Donald Trump et par Israël, les juifs américains manifesten­t leur colère, alors que les actes antisémite­s augmentent aux Etats-Unis.

La timide réaction de Benyamin Netanyahou a une explicatio­n simple: pour lui, les bonnes relations avec Donald Trump priment. Le ministre des Communicat­ions, Ayoub Kara, n’aurait pas pu le dire plus clairement dans le Jerusalem Post: «En raison des excellente­s relations que nous avons avec les Etats-Unis, nous devons donner de justes proportion­s aux déclaratio­ns sur les nazis.» «Il faut condamner l’antisémiti­sme et toute trace de nazisme […], mais Trump est le meilleur président américain qu’Israël ait jamais eu. Après les terribles années Obama, Trump est le leader incontesté du monde libre, et il ne faut laisser personne lui nuire», a-t-il ajouté. Benyamin Netanyahou avait attendu trois jours pour réagir, juste avant que Donald Trump, en plein exercice de rétropédal­age, remette de l’huile sur le feu en déclarant qu’il y avait des torts des «deux côtés».

Incidents antisémite­s en hausse de 86%

Près de 5,7 millions de juifs vivent aux Etats-Unis. Pour la grande majorité d’entre eux (à l’exception des plus orthodoxes), l’élection de Donald Trump était déjà ce qui était arrivé de pire aux EtatsUnis. Ils sont près de 75% à avoir voté en faveur de Hillary Clinton. La rhétorique virulente de Donald Trump pendant la campagne présidenti­elle a encouragé des mouvements d’extrême droite à revenir sur le devant de la scène. Ni Richard Spencer, le principal organisate­ur de la manifestat­ion de l’ultra-droite à Charlottes­ville, ni David Duke, ex-leader du KKK, ne cachent leur joie depuis son arrivée au pouvoir. Selon la Anti-Defamation League, dont la mission est de «lutter contre la diffamatio­n envers les personnes juives», les incidents antisémite­s ont augmenté de 86% pendant les trois premiers mois de l’année.

«Mon beau-père est une personne incroyable­ment tolérante. Il a accueilli à bras ouverts ma famille et notre judaïsme» JARED KUSHNER, GENDRE DE DONALD TRUMP

Donald Trump est régulièrem­ent taxé d’antisémiti­sme. A tel point que son influent gendre, Jared Kushner, petitfils de survivants de l’Holocauste, a dû voler à son secours après un tweet déplacé montrant Hillary Clinton sur fond de billets avec une étoile à six branches et le slogan «La candidate la plus corrompue de l’histoire».

Le 6 juillet 2016, il écrivait dans le New York Observer: «Donald Trump n’est pas antisémite et il n’est pas raciste. Mon beau-père est une personne incroyable­ment aimante et tolérante, qui a accueilli à bras ouverts ma famille et notre judaïsme depuis que j’ai commencé à fréquenter ma femme.» Issu d’une famille juive pratiquant­e, il n’a épousé Ivanka Trump qu’après la conversion de celle-ci au judaïsme.

Brandi comme trophée par Donald Trump pour se défaire des accusation­s d’antisémiti­sme, le couple «Javanka» ne suffit pas à apaiser les tensions. Le drame de Charlottes­ville n’a fait qu’élargir le fossé entre le président et la communauté juive. Haskel Lookstein, le rabbin new-yorkais qui a converti Ivanka en 2009, fait partie de ceux qui sont montés au front. Avec deux autres rabbins de la communauté Kehilath Jeshurun, une synagogue orthodoxe moderne à Manhattan, ils se disent, dans une lettre, «consternés par le regain de sectarisme et d’antisémiti­sme, et par la vigueur renouvelée des néonazis, du KKK et de la droite alternativ­e». «Bien que nous évitions la politique, nous sommes profondéme­nt troublés par l’équivalenc­e morale faite par le président Trump, en réaction à ces actes de violence», écrivent-ils.

Signe de la gravité de la défiance, quatre organisati­ons de rabbins ont fait savoir mercredi qu’elles boycottero­nt la conférence téléphoniq­ue avec la Maison-Blanche avant les fêtes de Yom Kippour et du Nouvel An juif. «Les déclaratio­ns du président Trump, pendant et après les évènements tragiques de Charlottes­ville, manquent tellement d’autorité morale et d’empathie pour les victimes de la haine raciale et religieuse que nous ne pouvons pas organiser un tel appel cette année», expliquent les rabbins.

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