Le polo derrière la vitrine
Dimanche, il y aura foule pour la finale du tournoi de Veytay. Mais en Suisse, des passionnés font vivre le polo toute l’année
C’est un grondement qui enfle comme un orage d’été. Pour les spectateurs, un match de polo est (d’abord) une expérience sensorielle. Vous n’y connaissez rien? Fermez les yeux. Ecoutez: le roulement sourd des sabots au galop, le souffle saccadé des chevaux, le claquement sec du maillet frappant la balle.
Chaque fin août, le polo déboule. Comme chaque année, des milliers de personnes, curieux, passionnés, amoureux des chevaux ou simples amateurs de promenade à la campagne se rendront dimanche au domaine de Veytay, propriété de la famille Luginbühl à Mies, entre Versoix et Coppet. Une belle journée, assurément. Mais qu’en restera-t-il lorsque l’orage se sera tu et que le bruit des hommes et des chevaux se sera dissipé?
Le risque serait de considérer le Polo Masters comme une magnifique exhibition, une superbe parenthèse qui ne serait due qu’au déploiement d’une culture importée. A Veytay, durant l’été, les meilleurs joueurs sont argentins, les grooms sont argentins, les chevaux – merveilleux petits criollos nerveux et joueurs – sont argentins. Et le soir, autour du feu où cuit lentement la viande d’Argentine selon les règles de l’asado, la musique qui monte dans la nuit évoque la vie du gaucho.
Ce folklore, au sens le plus noble du terme, ne doit pas masquer le fait qu’en Suisse aussi, le polo existe. A une autre échelle et à un niveau moindre, bien sûr, mais avec tout autant de passion et de sincérité. Il n’est qu’à écouter la famille Luginbühl, le père Yves, son épouse Yasmine, leurs fils Simon et Martin; ils ne parlent que de ça.
+13% de licenciés en Suisse
Martin, notamment. Ce jeune homme qui travaille dans le marketing à Zurich est depuis peu président de l’Association suisse de polo. «Nous comptons un peu plus de 300 pratiquants licenciés. Cela semble peu mais les effectifs ont progressé de 13% depuis l’an dernier. En Suisse, on recense dix clubs, dont cinq qui fonctionnent toute l’année. Trois nouveaux clubs se sont créés ces dix dernières années, à Zurich, Berne et Zoug.»
Autre signe encourageant, la discipline intéresse les jeunes. «L’année prochaine, la Suisse aura une équipe juniors aux pré-olympiades organisées à Buenos Aires, se réjouit Martin Luginbühl. Nous essayons de qualifier une équipe pour les Championnats d’Europe. C’est une compétition de handicap 6-8. Mon frère Simon et moi valant 2 chacun, nous devons trouver un autre joueur à 2.» Ou monter soimême à 3 de handicap? «J’aimerais bien, mais c’est un rêve un peu naïf. Au polo, les handicaps vont de -2 à 10, mais 70% des joueurs sont entre -2 et 2. Les autres sont presque tous professionnels.»
Presque pour tous les âges
Le polo est l’une des rares disciplines équestres où les femmes sont moins nombreuses que les hommes. Mais là aussi, les choses changent. Elles ne sont que deux cette semaine à Veytay mais 40 à 50 en Suisse, soit 20% des effectifs. «Là aussi, ça évolue, souligne Martin Luginbühl. Il existe désormais des Championnats d’Europe uniquement féminins. Nous avons également plusieurs catégories d’âge. Tout cela prouve que le réservoir de joueurs s’étend.»
Pas plus cher que le saut
Pour aller plus loin, l’Association suisse de polo est consciente du travail à accomplir. Son président cible deux axes: uniformiser les procédures pour les débutants et exorciser certaines idées reçues. «A l’heure actuelle, quelqu’un qui veut débuter le polo trouve autant de formalités et de méthodes qu’il y a de clubs. Il faut sortir de ce cas par cas, proposer des conditions et un enseignement communs. On pense toujours que le polo est trop cher, qu’il faut posséder beaucoup de chevaux. Bien sûr, cela réclame du temps et de l’argent, mais pas forcément plus que pour le saut d’obstacles. On peut débuter avec les chevaux du club, puis l’année suivante n’en acheter qu’un ou deux. C’est comme pour la voile: plusieurs passionnés peuvent s’associer pour monter leur team. Le polo n’est pas réservé aux patrons et aux pros; il y a de la place pour les passionnés.»
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Le polo est l’une des rares disciplines équestres où les femmes sont moins nombreuses que les hommes. Mais les choses changent
Jaeger-LeCoultre Polo Masters Dimanche 27 août au domaine de Veytay à Mies. Matches de classement dès 11h30, grande finale à 15h. Entrée libre.