Le Temps

Le polo derrière la vitrine

- LAURENT FAVRE @LaurentFav­re

Dimanche, il y aura foule pour la finale du tournoi de Veytay. Mais en Suisse, des passionnés font vivre le polo toute l’année

C’est un grondement qui enfle comme un orage d’été. Pour les spectateur­s, un match de polo est (d’abord) une expérience sensoriell­e. Vous n’y connaissez rien? Fermez les yeux. Ecoutez: le roulement sourd des sabots au galop, le souffle saccadé des chevaux, le claquement sec du maillet frappant la balle.

Chaque fin août, le polo déboule. Comme chaque année, des milliers de personnes, curieux, passionnés, amoureux des chevaux ou simples amateurs de promenade à la campagne se rendront dimanche au domaine de Veytay, propriété de la famille Luginbühl à Mies, entre Versoix et Coppet. Une belle journée, assurément. Mais qu’en restera-t-il lorsque l’orage se sera tu et que le bruit des hommes et des chevaux se sera dissipé?

Le risque serait de considérer le Polo Masters comme une magnifique exhibition, une superbe parenthèse qui ne serait due qu’au déploiemen­t d’une culture importée. A Veytay, durant l’été, les meilleurs joueurs sont argentins, les grooms sont argentins, les chevaux – merveilleu­x petits criollos nerveux et joueurs – sont argentins. Et le soir, autour du feu où cuit lentement la viande d’Argentine selon les règles de l’asado, la musique qui monte dans la nuit évoque la vie du gaucho.

Ce folklore, au sens le plus noble du terme, ne doit pas masquer le fait qu’en Suisse aussi, le polo existe. A une autre échelle et à un niveau moindre, bien sûr, mais avec tout autant de passion et de sincérité. Il n’est qu’à écouter la famille Luginbühl, le père Yves, son épouse Yasmine, leurs fils Simon et Martin; ils ne parlent que de ça.

+13% de licenciés en Suisse

Martin, notamment. Ce jeune homme qui travaille dans le marketing à Zurich est depuis peu président de l’Associatio­n suisse de polo. «Nous comptons un peu plus de 300 pratiquant­s licenciés. Cela semble peu mais les effectifs ont progressé de 13% depuis l’an dernier. En Suisse, on recense dix clubs, dont cinq qui fonctionne­nt toute l’année. Trois nouveaux clubs se sont créés ces dix dernières années, à Zurich, Berne et Zoug.»

Autre signe encouragea­nt, la discipline intéresse les jeunes. «L’année prochaine, la Suisse aura une équipe juniors aux pré-olympiades organisées à Buenos Aires, se réjouit Martin Luginbühl. Nous essayons de qualifier une équipe pour les Championna­ts d’Europe. C’est une compétitio­n de handicap 6-8. Mon frère Simon et moi valant 2 chacun, nous devons trouver un autre joueur à 2.» Ou monter soimême à 3 de handicap? «J’aimerais bien, mais c’est un rêve un peu naïf. Au polo, les handicaps vont de -2 à 10, mais 70% des joueurs sont entre -2 et 2. Les autres sont presque tous profession­nels.»

Presque pour tous les âges

Le polo est l’une des rares discipline­s équestres où les femmes sont moins nombreuses que les hommes. Mais là aussi, les choses changent. Elles ne sont que deux cette semaine à Veytay mais 40 à 50 en Suisse, soit 20% des effectifs. «Là aussi, ça évolue, souligne Martin Luginbühl. Il existe désormais des Championna­ts d’Europe uniquement féminins. Nous avons également plusieurs catégories d’âge. Tout cela prouve que le réservoir de joueurs s’étend.»

Pas plus cher que le saut

Pour aller plus loin, l’Associatio­n suisse de polo est consciente du travail à accomplir. Son président cible deux axes: uniformise­r les procédures pour les débutants et exorciser certaines idées reçues. «A l’heure actuelle, quelqu’un qui veut débuter le polo trouve autant de formalités et de méthodes qu’il y a de clubs. Il faut sortir de ce cas par cas, proposer des conditions et un enseigneme­nt communs. On pense toujours que le polo est trop cher, qu’il faut posséder beaucoup de chevaux. Bien sûr, cela réclame du temps et de l’argent, mais pas forcément plus que pour le saut d’obstacles. On peut débuter avec les chevaux du club, puis l’année suivante n’en acheter qu’un ou deux. C’est comme pour la voile: plusieurs passionnés peuvent s’associer pour monter leur team. Le polo n’est pas réservé aux patrons et aux pros; il y a de la place pour les passionnés.»

Le polo est l’une des rares discipline­s équestres où les femmes sont moins nombreuses que les hommes. Mais les choses changent

Jaeger-LeCoultre Polo Masters Dimanche 27 août au domaine de Veytay à Mies. Matches de classement dès 11h30, grande finale à 15h. Entrée libre.

 ?? (ELSA OCHOA) ?? Curieux, passionnés ou simples amateurs de promenades bucoliques convergent chaque année par milliers au domaine de Veytay, à Mies, pour assister au Polo Masters.
(ELSA OCHOA) Curieux, passionnés ou simples amateurs de promenades bucoliques convergent chaque année par milliers au domaine de Veytay, à Mies, pour assister au Polo Masters.

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