Le Temps

Et si «Despacito» était reproducti­ble

- PAR STÉPHANE GOBBO @StephGobbo

Cela faisait longtemps que l’on n’avait plus eu droit à un irritant tube de l’été. Mais depuis plusieurs longues semaines, impossible d’échapper à «Despacito», composé par le musicien portoricai­n Luis Fonsi, comme si, pour être tube de l’été, une chanson se devait d’avoir un petit goût d’exotisme – souvenez-vous des «Lambada», «Macarena» et autres «Soca Dance». Le dernier hit de ce genre à avoir mis mes tympans à rude épreuve devait être le «Waka Waka» de Shakira en 2010. Rebelote donc cette année avec ce «Despacito» entendu dans la chambre de ma fille, sur une plage italienne, dans des grands magasins, plusieurs fois durant le Locarno Festival, et j’en passe.

Luis Fonsi, qui peut se targuer d’avoir composé la chanson la plus écoutée – paraît-il – de tous les temps, a-t-il appliqué une quelconque recette pour cartonner à ce point? Peut-être: une mélodie accrocheus­e entre pop et world music, une base rythmique sensuelle propice aux déhancheme­nts, et le tour est joué. Ne pourrait-on pas, dès lors, produire des tubes de l’été à la chaîne, en ajoutant chaque année un ingrédient nouveau en fonction des modes du moment? Certains le croient. A Lausanne comme ailleurs, des chercheurs travaillen­t sur des logiciels capables de générer des partitions de manière autonome.

A Londres, c’est carrément au sein du temple Abbey Road que plusieurs start-up tentent de faire entrer la musique dans l’ère de l’intelligen­ce artificiel­le. Les Beatles, qui ont fait des studios un lieu de pèlerinage, semblaient capables de composer à la chaîne des hits basés sur quelques accords accrocheur­s. Alors que les Pink Floyd fascinaien­t par la complexité de leurs arrangemen­ts, John, Paul, Ringo et George semblaient avoir trouvé la formule gagnante. Continuer à l’affirmer aujourd’hui reviendrai­t à occulter le côté révolution­naire d’albums comme Rubber Soul, Revolver ou Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band.

Des programmes informatiq­ues sont désormais capables de générer des morceaux «à la Beatles». Demain, il sera peutêtre possible de demander à un ordinateur de recracher à l’infini des copies de «Despacito». Mais jamais une intelligen­ce artificiel­le ne pourra rivaliser avec un cerveau humain, qui a, lui, la capacité d’intégrer des erreurs, de jouer avec les imperfecti­ons. C’est en rembobinan­t une bande à l’envers que Lennon a par hasard inventé un nouvel effet. On célébrera dans quelques années le 40e anniversai­re de son assassinat. Dans quarante ans, plus personne ne se souviendra de «Despacito».

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