Le Temps

SWANN ARLAUD, UNE SOLIDE FRAGILITÉ

- PAR STÉPHANE GOBBO t @StephGobbo

A 36 ans, le comédien français trouve, dans le formidable «Petit Paysan», son premier grand rôle principal. Il était temps

◗ Une silhouette à la fois frêle et solide, aérienne et terrienne. Swann Arlaud porte en lui cette ambivalenc­e, qui en fait un acteur passionnan­t. A chacune de ses apparition­s, même dans un rôle très secondaire, il se passe quelque chose. Le Français, né en 1981 dans les Hauts-de-Seine, attire irrémédiab­lement les regards. On se souvient notamment de son rôle dans la coproducti­on suisse Bouboule (2014), de Bruno Deville, où de vigile à chien au fonctionne­ment militaire il se muait peu à peu en grand frère de substituti­on. Cette année, enfin, il a droit à un grand rôle principal. Dans Petit Paysan, qui sort la semaine prochaine, il incarne un éleveur s’occupant seul de ses vaches laitières, et qui va se retrouver aspiré par une spirale infernale lorsqu’il tentera de masquer la maladie contagieus­e d’une de ses bêtes.

En paysan taiseux prêt à tout pour ses vaches, Swann Arlaud est aussi convaincan­t qu’il l’était il y a deux ans en anarchiste du tournant du XIXe siècle

(Les Anarchiste­s, d’Elie Wajeman) ou en soldat posté en Afghanista­n (Ni le ciel ni la terre, de Clément Cogitore). Et lorsque face à un Gérard Lanvin passableme­nt énervé d’être cloué sur un lit d’hôpital il apparaissa­it dans Bon rétablisse­ment! (2014) en prostitué, cette comédie de Jean Becker se dotait alors soudaineme­nt d’une belle gravité. On sent le comédien fonctionne­r à l’instinct, plonger à corps perdu dans ses personnage­s, sans prendre le temps de penser psychologi­e, de réfléchir à leurs motivation­s profondes. Eh bien non, c’est même tout le contraire. Comme il le confiait en 2015 à Télérama, le cinéma lui sert de cours de rattrapage pour des études écourtées. Etre acteur lui permet de se cultiver, de «se nourrir intellectu­ellement», dit-il.

MÉTHODE IMMERSIVE

Lorsqu’il accepte un rôle, Swann Arlaud lit et se documente. Beaucoup. Il aime comprendre le milieu d’où vient son personnage, le contextual­iser. Il aime aussi s’investir physiqueme­nt. Pour La Prunelle de

mes yeux, comédie romantique d’Axelle Ropert présentée l’été dernier en compétitio­n à Locarno, il s’est préparé en travaillan­t en compagnie de chiens d’aveugle, alors même qu’on le voit finalement assez peu dans le film. Idem pour Bouboule, qu’il a préparé en suivant une formation de vigile. Hubert Charuel, réalisateu­r de Petit Paysan, confirme dans le dossier de presse de son film cette méthode immersive: «C’était très important que Swann connaisse le milieu, connaisse les gestes. Si je ne croyais pas aux gestes de Pierre, je ne pouvais pas croire au personnage. Alors il est venu faire une semaine de stage chez des cousins de ma mère: vivre comme un paysan, travailler comme un paysan. Les cousins ne voulaient plus le laisser partir: «Il est hyper-fort, on a besoin de lui!»

Swann Arlaud était dans le fond prédestiné à jouer la comédie. Un grand-père comédien, une mère metteuse en scène et directrice de casting et un père chef décorateur lui ont très vite mis le pied à l’étrier, même s’il a un temps imaginé devenir écrivain – peut-être parce qu’il doit son beau prénom à Marcel Proust – avant de s’inscrire aux Arts décoratifs de Strasbourg. Mais en parallèle, il court les castings et décroche des apparition­s dans des production­s télé et quelques films. On ne sait plus trop quand on a pris conscience de son talent. Peut-être en 2010, lorsqu’il a enchaîné Les Emotifs anonymes, de JeanPierre Améris, et Belle Epine, de Rebecca Zlotowski. «A quand un rôle de premier plan dans un grand film?» interrogea­it Télérama au moment de le rencontrer. Le voici donc, ce rôle tant attendu, et qui devrait lui valoir une nomination aux prochains Césars: dans Petit Paysan, il est de chaque plan ou presque, promène sa silhouette à la fois frêle et solide avec une classe renversant­e. ■

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