Le Temps

Anne Emery-Torracinta, maillon faible d’un trio de choc

- ÉMILIE SOMBES

C’est rempli d’espoir et d’ambition que le Parti socialiste genevois se lance dans la campagne en vue des élections du printemps prochain. La sortante Anne Emery-Torracinta est accompagné­e des deux magistrats communaux expériment­és que sont Sandrine Salerno et Thierry Apothéloz. Ce trio de choc, complément­aire sur le papier et bien connu de la population, pourrait bien permettre au parti de regagner un second siège à l’exécutif, celui qu’il avait perdu il y a neuf ans.

Dans cette stratégie, la question qui brûle les lèvres est de savoir qui parmi les trois prétendant­s sera le malheureux perdant. En règle générale, on donne une prime au sortant, mais la candidatur­e d’Anne Emery-Torracinta ne donne pas tous les gages de sécurité.

Acteurs culturels déçus

Arrivée seulement en troisième position lors du congrès de son parti en mai dernier, largement derrière Thierry Apothéloz et au coude-à-coude avec Sandrine Salerno, la magistrate sortante ne rencontre pas un soutien et un enthousias­me débordants, chez les siens comme à l’extérieur de son parti.

Plus perçue comme une gestionnai­re défendant minutieuse­ment ses budgets, elle n’aura pas entrepris de réformes importante­s au sein de son Départemen­t de l’instructio­n publique. Obnubilée par son projet phare, l’école inclusive, elle a délaissé des pans entiers de son dicastère, que ce soit l’université ou la formation profession­nelle, sans parler de la culture et des sports. Dans ces deux derniers domaines, ses actions ont été quasi invisibles.

Le dossier de la répartitio­n des tâches entre la Ville et le Canton, qui la touche directemen­t, ne semble pas susciter chez elle un intérêt marqué. Les blocages apparus sur les dossiers du Grand Théâtre ou de Cinéforum (aide au cinéma) en sont des exemples frappants. Nombre d’acteurs culturels s’interrogen­t aujourd’hui sur ses ambitions et dénoncent son manque d’implicatio­n.

Enseignant­s sceptiques

Ses partisans peuvent soutenir que la magistrate a mené des réformes concrètes comme le projet de loi sur l’instructio­n publique (LIP), l’introducti­on du mercredi matin à l’école primaire ou la réforme de l’Institut universita­ire de formations des enseignant­s (IUFE) même si ce dossier reste en chantier. Mais sur d’autres dossiers, la Conseillèr­e d’Etat a plutôt déçu les siens.

Au niveau de son projet d’école inclusive, elle n’a pas convaincu ses troupes ni le corps enseignant, faute de moyens il est vrai. Ce projet reste modeste, périphériq­ue et lourd à piloter. Et malgré sa prise de position contre le budget 2016 il y a deux ans, brisant au passage le principe de collégiali­té, la fonction publique ne voit pas en elle la personnali­té la mieux à même de défendre ses intérêts.

Pire, les changement­s intervenus auprès de la direction de son départemen­t et de certains de ses services ont été mal perçus. Certains l’accusent de simplement défaire ce que son prédécesse­ur Charles Beer avait mis en place. Et comme elle peine à faire entendre une voix de gauche au sein de l’exécutif genevois, la conseillèr­e d’Etat déçoit plus qu’elle ne satisfait au sein même de son électorat.

C’est avec un soutien interne fragile et un bilan mitigé qu’Anne Emery-Torracinta se présente pour un second mandat au Conseil d’Etat. Le nouveau mode d’élection, qui ne met plus en avant des listes de partis mais une liste de noms, pourrait pousser la conseillèr­e d’Etat sortante à la troisième place sur le ticket socialiste, troisième place assurément éliminatoi­re.

Les six mois à venir seront cruciaux pour la magistrate si elle souhaite poursuivre son action au Conseil d’Etat. Pour devancer ses colistiers, elle va devoir convaincre d’abord ses propres troupes, en marquant plus clairement ses valeurs et positions sur la gauche de l’échiquier politique.

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