Anne Emery-Torracinta, maillon faible d’un trio de choc
C’est rempli d’espoir et d’ambition que le Parti socialiste genevois se lance dans la campagne en vue des élections du printemps prochain. La sortante Anne Emery-Torracinta est accompagnée des deux magistrats communaux expérimentés que sont Sandrine Salerno et Thierry Apothéloz. Ce trio de choc, complémentaire sur le papier et bien connu de la population, pourrait bien permettre au parti de regagner un second siège à l’exécutif, celui qu’il avait perdu il y a neuf ans.
Dans cette stratégie, la question qui brûle les lèvres est de savoir qui parmi les trois prétendants sera le malheureux perdant. En règle générale, on donne une prime au sortant, mais la candidature d’Anne Emery-Torracinta ne donne pas tous les gages de sécurité.
Acteurs culturels déçus
Arrivée seulement en troisième position lors du congrès de son parti en mai dernier, largement derrière Thierry Apothéloz et au coude-à-coude avec Sandrine Salerno, la magistrate sortante ne rencontre pas un soutien et un enthousiasme débordants, chez les siens comme à l’extérieur de son parti.
Plus perçue comme une gestionnaire défendant minutieusement ses budgets, elle n’aura pas entrepris de réformes importantes au sein de son Département de l’instruction publique. Obnubilée par son projet phare, l’école inclusive, elle a délaissé des pans entiers de son dicastère, que ce soit l’université ou la formation professionnelle, sans parler de la culture et des sports. Dans ces deux derniers domaines, ses actions ont été quasi invisibles.
Le dossier de la répartition des tâches entre la Ville et le Canton, qui la touche directement, ne semble pas susciter chez elle un intérêt marqué. Les blocages apparus sur les dossiers du Grand Théâtre ou de Cinéforum (aide au cinéma) en sont des exemples frappants. Nombre d’acteurs culturels s’interrogent aujourd’hui sur ses ambitions et dénoncent son manque d’implication.
Enseignants sceptiques
Ses partisans peuvent soutenir que la magistrate a mené des réformes concrètes comme le projet de loi sur l’instruction publique (LIP), l’introduction du mercredi matin à l’école primaire ou la réforme de l’Institut universitaire de formations des enseignants (IUFE) même si ce dossier reste en chantier. Mais sur d’autres dossiers, la Conseillère d’Etat a plutôt déçu les siens.
Au niveau de son projet d’école inclusive, elle n’a pas convaincu ses troupes ni le corps enseignant, faute de moyens il est vrai. Ce projet reste modeste, périphérique et lourd à piloter. Et malgré sa prise de position contre le budget 2016 il y a deux ans, brisant au passage le principe de collégialité, la fonction publique ne voit pas en elle la personnalité la mieux à même de défendre ses intérêts.
Pire, les changements intervenus auprès de la direction de son département et de certains de ses services ont été mal perçus. Certains l’accusent de simplement défaire ce que son prédécesseur Charles Beer avait mis en place. Et comme elle peine à faire entendre une voix de gauche au sein de l’exécutif genevois, la conseillère d’Etat déçoit plus qu’elle ne satisfait au sein même de son électorat.
C’est avec un soutien interne fragile et un bilan mitigé qu’Anne Emery-Torracinta se présente pour un second mandat au Conseil d’Etat. Le nouveau mode d’élection, qui ne met plus en avant des listes de partis mais une liste de noms, pourrait pousser la conseillère d’Etat sortante à la troisième place sur le ticket socialiste, troisième place assurément éliminatoire.
Les six mois à venir seront cruciaux pour la magistrate si elle souhaite poursuivre son action au Conseil d’Etat. Pour devancer ses colistiers, elle va devoir convaincre d’abord ses propres troupes, en marquant plus clairement ses valeurs et positions sur la gauche de l’échiquier politique.
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