La presse adoube Ignazio Cassis
La majorité des journaux alémaniques et italophones saluent le retour du Tessin au Conseil fédéral. Ils restent cependant prudents sur les capacités d’Ignazio Cassis à apporter le renouveau à Berne
«Lo giuro!» a clamé Ignazio Cassis, nouveau conseiller fédéral suisse, lors de son intronisation. Les trois doigts levés, il a fait honneur à sa langue maternelle en prêtant serment en italien. Après dix-huit ans d’absence, le Tessin a donc enfin retrouvé un siège au gouvernement.
La NZZ, qui salue un «choix intelligent» attend de voir si le politicien saura maintenant prouver qu’il peut mener une politique économique et sociétale libérale au Conseil fédéral. Le journal suisse alémanique égratigne au passage «l’arrogance» des Romands envers le Tessin durant la campagne. «Le corps suisse est désormais à nouveau complet» jure le quotidien, qui mentionne, amusé, l’usage retrouvé de l’italien en conférence de presse: «Comme si cela était la chose la plus normale du monde.»
Une élection qui, toujours selon la NZZ, doit beaucoup à un homme de l’ombre en particulier: Fulvio Pelli. Le président du Conseil d’administration de la banque cantonale tessinoise n’a d’ailleurs pas boudé son plaisir, déclarant que «faire élire des conseillers fédéraux était sa spécialité». Les conseils du stratège se sont avérés payants, puisque son poulain fait désormais partie des sept sages.
Provocateur, le Blick n’a même pas laissé une journée de répit à Ignazio Cassis: «Cassis réussit, et maintenant champ libre aux femmes!» titre le journal alémanique. Sans attendre, le quotidien pointe du doigt la sous-représentation féminine et souligne la «claque reçue par Moret» au deuxième tour de l’élection. Rappelant le départ prochain de Doris Leuthard, qui ne laisserait plus qu’une seule femme au Conseil fédéral, le Blick l’affirme: «Les femmes ont désormais d’excellentes cartes en mains pour le jeu de poker fédéral.»
Le nouveau membre de l’exécutif devra faire sa place. Le Tages-Anzeiger se montre lui-aussi offensif. Au lendemain de l’élection, il titre en Une: «Le Conseil fédéral prend des décisions dans le dossier de l’Union Européenne avant qu’Ignazio Cassis ne rentre en fonction.» Le quotidien zurichois souligne dans la foulée qu’aucun conseiller fédéral en place ne paraît particulièrement enclin à céder son département. Le petit nouveau devrait donc hériter de la place laissée vacante par Didier Burkhalter: les Affaires étrangères. Et de rappeler que ce département est aux prises avec le plus compliqué des dossiers: les négociations d’un accord- cadre avec l’UE. Pour réussir, Ignazio Cassis doit avant tout convaincre dans son propre pays, analyse le journal zurichois.
Le Tages-Anzeiger prévient également que si les Tessinois peuvent légitimement se réjouir de l’élection d’un des leurs, ils ne doivent pas non plus trop en attendre pour leur région. Les Transalpins «doivent avant tout régler leurs problèmes eux-mêmes», juge le Tagi.
Du côté du canton d’origine du héros du jour, les titres régionaux n’ont pas caché leur enthousiasme. «LE TESSIN AU CONSEIL FEDERAL», s’exclame ainsi le Corriere del Ticino en lettres capitales. Le quotidien italophone consacre huit pages spéciales au retour de l’un de ses concitoyens dans l’exécutif helvétique après dix-huit ans d’absence. Une journée qualifiée d’historique, abondamment commentée dans ses pages par tout ce que le Tessin compte comme personnalités et retranscrite chronologiquement dans son entier par le journal du sud des Alpes.
La Regione emprunte quant à elle au décorum du Saint-Siège et parle de «fumée blanche pour le forgeron», Ignazio Cassis ayant déclaré vouloir être le «forgeron de l’unité suisse.» Toujours dans un vocable papal, le journal souligne que, pour une fois, «celui qui est entré pape au conclave n’en est pas ressorti cardinal».
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