L’industrie en pleine mutation numérique
Le succès économique de l’Allemagne ne l’a pas empêchée de sentir le danger lié à la numérisation. Plusieurs initiatives existent pour aider les entreprises à s’adapter aux nouvelles technologies. Reportage à la SmartFactory de Kaiserslautern
Kaiserslautern n’est ni connue pour son industrie florissante, ni pour des attractions touristiques de haut vol. Pourtant, c’est à «KL», comme l’appellent les locaux, ou K-Town, quand ils sont vraiment cools, dans le sud-ouest de l’Allemagne que le professeur Detlef Zühlke a lancé la SmartFactoryKL, il y a un peu plus de dix ans.
Cette figure de l’industrie 4.0, obsédée par un concept même pas encore formulé, s’inquiétait de la façon dont les entreprises allemandes s’adaptaient et intégraient les nouvelles technologies. Une décennie plus tard, Detlef Zühlke, désormais retraité de l’institut allemand de recherche sur l’intelligence artificielle installé dans le bâtiment à côté, continue sa mission: au moment de notre visite, il est à Séoul pour vanter les initiatives allemandes de numérisation dans l’industrie. «L’Asie est très intéressée par nos activités», explique Haike Frank, qui officie à la SmartFactory et est responsable de l’antenne locale de Mittelstand 4.0, l’initiative fédérale pour aider les PME à s’adapter aux nouvelles technologies. «Nous pourrions avoir des visites provenant de Chine tous les jours!»
Un club de tennis
Au lieu de cela, il faut trier parmi les intéressés ceux qui peuvent véritablement devenir des partenaires et développer des projets avec cette organisation. Qui est «un peu comme un club de tennis», ironise Haike Frank: les entreprises ou universités sont des membres cotisants, qui travaillent sur des projets communs, se mettent d’accord sur des standards de soft ou de hardware, etc.
Ce sont eux, avec les experts de Kaiserslautern, qui ont permis de créer la miniusine de démonstration installée au coeur du bâtiment: complètement numérisée, automatisée et modulable, elle fabrique des boîtes de cartes de visite avec code QR intégré. L’objet paraît banal, mais l’idée était d’en montrer la production de Aà Z, grâce à plusieurs fournisseurs rendus compatibles, explique-t-elle, alors qu’un petit robot déplace une boîte d’un module à l’autre devant nous. Si on lui donne un objet à moitié terminé, il saura où la production doit reprendre, toutes les informations y étant inscrites. S’il existe une consigne trop spécifique, il apportera le produit à un humain, qui sera guidé par la réalité augmentée pour le terminer.
Une poignée d’entreprises allemandes ont construit leur propre Smart Factory pour rapatrier une partie de la production et réduire les temps de livraison, un problème central en particulier dans l’automobile. Audi a ainsi mis sur pied à Ingolstadt une fabrique automatisée mais aussi modulable pour intégrer des variations dans la production. On ne connaîtra pas le succès commercial, mais l’attrait est indéniable: jusqu’à la fin de l’année, les visites sont complètes, nous a dit le constructeur automobile. Adidas a aussi ouvert une Speedfactory automatisée qui, elle, reste entourée du plus grand secret.
Mini-usine de démonstration
«Ces entreprises ont les moyens d’investir les milliards nécessaires pour transformer la production, ce qui n’est pas le cas des PME», poursuit Haike Frank. Or la transformation est un enjeu central pour l’industrie, qui emploie plus de 7 millions de personnes et contribue à 25% du PIB national. D’autres projets sont en cours, plus secrets, du moins pour les journalistes et les industriels chinois curieux.
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