«ZUP» électrise le skatepark
Surprenant mélange des genres, le spectacle envahit le bout de la plaine de Plainpalais d’une folle énergie, entre hip-hop, mapping et skateboard
Un skatepark converti en théâtre éphémère. L’idée était originale, voire un peu saugrenue, mais elle s’est finalement matérialisée à Genève, au bout de la plaine de Plainpalais. Pas de scène ni de rideau rouge mais un imposant dôme en bois, conçu pour l’occasion, qui enveloppe la moitié de l’aire bétonnée. C’est dans cette étrange bulle que s’est dévoilé ZUP, spectacle interdisciplinaire et urbain dont la première a eu lieu mercredi soir. Et le décor annonce la couleur: celle d’un spectacle dans la ville, sur la ville.
La poésie des «bowls»
Imaginé il y a deux ans par l’entrepreneur Michel Gaud, président de l’association La Compagnie Urbaine, et le chorégraphe belge Nicolas Musin, le projet se veut d’un tout nouveau genre. Ou, plutôt, un mélange des genres, en alliant danse, théâtre et sports de glisse. Un seul maître mot: l’urbain. Pour faire vivre cette ode à la rue, une quarantaine de jeunes talents ont été recrutés, à Genève ou à l’étranger, puis invités à mêler leurs univers. Quelles meilleures planches que les reliefs du skatepark de Plainpalais, qui fête ses 5 ans justement, pour accueillir pareille ébullition?
Les «bowls» se révèlent des décors étonnamment poétiques. Dès les premières minutes, ils prennent vie sous d’intenses projections de mapping vidéo. Traversé de formes géométriques, tour à tour lave puis océan, le skatepark dévoile ses creux et aspérités sous une lumière nouvelle.
Les aliens qui envahissent ces cratères lunaires sont jeunes, animés d’une rage de vivre… et de danser. Des natifs du hip-hop, du popping ou du breakdance, qui s’agitent sans relâche avec un naturel déconcertant. Comme possédés par la musique électronique, une bande-son originale façon boîte de nuit, parfois assourdissante, souvent galvanisante.
Par intermittence, les as des roulettes s’invitent sur le terrain. Les skateboards gravissent les rampes, enchaînant les tricks, les BMX font tournicoter leurs guidons, les rollers disparaissent dans les creux de béton et ressortent, bondissant comme sur des ressorts. On croirait voir voltiger une nuée d’insectes dans un bourdonnement de chaînes de vélo. Une trottinette rapplique et fait même un backflip. Le public, ravi, salue chaque figure.
Plus qu’un enchaînement d’acrobaties, ZUP raconte avant tout la rue et son monde de la nuit. Les soirées de fêtards survoltés, les rendez-vous de voyous, les caddies et les cornets plastique, la circulation du petit matin. Mais aussi les histoires qui s’y tissent. En l’occurrence, la rencontre furtive de deux jeunes gens au hasard de l’obscurité. Lui, costume bleu bien sage, a le coup de foudre. Elle, mystérieuse et libre, reste insaisissable. Avide de retrouver la belle qui lui a tapé dans l’oeil, le jeune amoureux éperdu, interprété par le comédien genevois Laurent Deshusses, erre dans le skatepark, essoufflé et désorienté.
Pour lui donner la réplique, l’acteur Jean-Philippe Meyer incarne une sorte d’alter ego désinvolte et cynique, qui prodigue au jeune homme ses conseils amoureux sur un ton philosophico-humoristique. Des dialogues parfois convenus, parfois superflus, tombant un peu à plat entre les pics exaltés des performances sportives.
Car le coeur du spectacle, ce sont surtout les corps. Celui de cette danseuse étoile si peu classique, transporté par les beats, désarticulé puis lascif. Les pas saccadés de grands loubards en costume. Les voltiges d’un caïd du parkour, et celles, aériennes, d’une silhouette au bout de son fil. Un casting multiculturel et vivant, en baskets et casquettes à l’envers, que l’on ne serait pas étonné de croiser lors d’une virée dans le quartier, la nuit tombée. De l’urbain, oui, mais du vrai.
▅