Donald Trump ranime le conflit avec l’Iran
MAISON-BLANCHE Dans un discours au ton extraordinairement belliqueux tenu vendredi à la Maison-Blanche, le président américain a refusé de certifier l’accord sur le nucléaire iranien conclu en 2015. Il promet même de le démanteler à terme
Ils ont tout tenté. Le président français Emmanuel Macron et la première ministre britannique Theresa May lui ont téléphoné jeudi pour l e dissuader. Une cohorte d’ambassadeurs européens ont expliqué mercredi au Congrès que l’accord historique de juillet 2015 sur le nucléaire iranien devait i mpérativement être défendu. Même au sein de l’administration actuelle, le chef du Pentagone, James Mattis, et d’autres responsables l’ont exhorté à ne pas commettre l’irréparable.
Vendredi, Donald Trump n’en a fait qu’à sa tête. Il a annoncé qu’il ne certifierait plus l’accord conclu entre l’Iran et les six puissances négociatrices (5+1: Etats-Unis, Chine, Russie, France, Grande-Bretagne et Allemagne), alors qu’il l’avait pourtant déjà fait à deux reprises.
Son discours fut très belliqueux, dressant une liste très approximative des attentats qui impliqueraient l’Iran. Il n’a cessé de décrire la République islamique comme une «dictature», un «régime fanatique», et comme l’un des principaux suppôts du terrorisme international. Le président américain a même cité plusieurs violations présumées de l’accord par l’Iran, dont l’intimidation des inspecteurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique ( AIEA), laquelle est chargée de la mise en oeuvre de l’accord.
Politique de la main tendue remise en question
N’ayant pas peur des contradictions, il a déclaré que Téhéran ne «respecte pas l’esprit de l’accord». Il a laissé entendre que Téhéran coopérait avec la Corée du Nord. L’intervention très agressive du président fut une remise en question totale de la politique de la main tendue pratiquée par son prédécesseur Barack Obama. Donald Trump a dans cette logique annoncé que le Trésor plancherait sur de nouvelles sanctions contre les Gardiens de la révolution, principaux détenteurs des leviers de la République islamique.
Contacté par Le Temps, John Hughes, ex-chef du Bureau des sanctions contre l’Iran dans l’administration Obama, le relève: « L’accord nucléaire n’est pas mort, mais sa non-certification introduit une incroyable dose d’incertitude sur la scène internationale.» Malgré les multiples confirmations de l’AIEA, dont la dernière le 9 octobre dernier, selon lesquelles l’Iran respectait pleinement ses engagements par rapport à l’accord dénommé Plan d’action global conjoint (PAGC), le président américain aurait aimé, à l’entendre, déchirer l’accord
immédiatement. Cette décision intermédiaire est probablement due à ceux qui , à la Maison-Blanche, se sont évertués à modérer les instincts «tripaux» du président. Car, ces derniers jours, Donald Trump est littéralement sorti de ses gonds, à en croire le Washington Post. L’accord n’en est pas moins en danger de mort.
Quelques oppositions dans le camp républicain
La première conséquence de la non-certification est simple: le Congrès a 60 jours pour imposer de nouvelles sanctions à la République islamique. S’il devait le faire, il tuerait définitivement l’accord. Difficile à ce stade de savoir quel sera son comportement. Acquis à la cause d’Israël, comme l’a démontré l’intervent i on ovationnée du premier ministre i sraélien Benyamin Netanyahou devant le Congrès le 3 mars 2015, il voit lui aussi l’Iran comme l’un des ennemis numéro un de l’Amérique. Mais dans le camp républicain, pourtant aligné j usqu’ici comme un seul homme derrière Donald Trump, plusieurs membres du Congrès, dont le sénateur Bob Corker, jugent nécessaire de soutenir l’accord nucléaire. Quitte à oublier qu’ils y étaient fermement opposés quand Barack Obama occupait encore le Bureau ovale.
Les attaques du président contre l ’a ccord s ont d’autant plus absurdes qu’elles prennent ce dernier pour ce qu’il n’est pas. Trump le juge «désastreux» parce qu’il permet toujours à l’Iran de jouer les déstabilisateurs du MoyenOrient en Irak et en Syrie, de soutenir le Hezbollah et d’effectuer des tests de missiles balistiques.
Or il s’agit d’un accord consacré exclusivement à la non-prolifération nucléaire. Conclu après vingt et un mois d’âpres négociations à Genève, Vienne et Lausanne, il a permis de stopper, du moins jusqu’à 2025-2030, la montée de la puissance nucléaire iranienne. Téhéran a réduit son stock d’uranium enrichi de 98% pour n’en
«L’accord nucléaire n’est pas mort, mais sa noncertification introduit une incroyable dose d’incertitude» JOHN HUGHES, EX-CHEF DU BUREAU DES SANCTIONS CONTRE L’IRAN
garder plus que 300 kilos. Il a aussi réduit son nombre de centrifugeuses à 5060, alors qu’il en recensait près de 20 000 en juillet 2015. L’accord permet également à l’AIEA de mener des contrôles impromptus sur les sites nucléaires de la République islamique.
Pour le président du parlement iranien, Ali Larijani, un retrait de l’accord, en cas de défection américaine, serait tout à fait «une possibilité». Conservateur, cet ex- négociateur nucléaire ne représente cependant pas la position des plus modérés, dont le président Hassan Rohani. Quant aux Européens, ils tiennent à l’accord. Avec la levée des sanctions nucléaires contre l’Iran, ils voient de juteuses affaires à mener dans ce pays. En juillet, Total a signé un accord de 5 milliards de dollars avec l’Iran pour développer les champs gaziers de South Pars. Airbus, Peugeot et Renault développent eux aussi des affaires. Il est dès lors peu probable que les Européens se plient aux injonctions de Washington en cas de nouvelles sanctions.
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Les attaques de Donald Trump sont d’autant plus absurdes qu’elles prennent l’accord pour ce qu’il n’est pas