Le Temps

Une affaire d’hommes forts à Bruxelles

- SOLENN PAULIC, BRUXELLES

Sous Jean-Claude Juncker, le dossier suisse est devenu une affaire très politique. Deux hommes venus du même sérail secondent le président de la Commission européenne

Avant de prendre les ultimes décisions, Jean-Claude Juncker est épaulé par son chef de cabinet, l’Allemand Martin Selmayr, et son conseiller politique, le Polonais Richard Szostak. Le premier est connu pour inspirer toutes les politiques menées par la Commission européenne et chapeauter les plus sensibles d’entre elles. Le second agit plus dans l’ombre, mais c’est lui qui va le plus souvent sur le terrain négocier direct ement avec l es diplomates suisses.

Né en 1978, Richard Szostak s’est distingué par son travail sur le règlement européen de protection des données personnell­es, avant de rejoindre le cabinet Juncker en novembre 2014. Son expertise sur l’intégrité du marché unique l’a placé aux côtés de Martin Selmayr pour gérer le dossier suisse, mais aussi sur l es négociatio­ns du Brexit.

Cela ne tient pas au hasard. Les deux hommes viennent du même sérail, celui de l’ancienne commissair­e luxembourg­eoise à la Justice, Viviane Reding, connue pour avoir tenu une ligne très dure sur la libre circulatio­n des personnes. La commissair­e nourrissai­t sous l’ère Barroso une relation très étroite avec la Suisse et les deux hommes l’accompagna­ient déjà.

Une relation «complexe»

Pour Martin Selmayr, la relation avec la Suisse est aussi personnell­e, sa grand-mère étant Zurichoise. C’est à Zurich qu’il a appris à nager et a étudié le droit. Cela le met-il pour autant dans de meilleures dispositio­ns? L’UE et la Suisse se respectent mutuelleme­nt et se considèren­t comme des partenaire­s fiables où chacun finit toujours par faire ce qu’il dit mais qui ne «se font aucun cadeau», dit un observateu­r impliqué dans les dossiers.

Pour l’UE, la Suisse est un partenaire important et le pays tiers qui reçoit peut-être le plus d’attention de la part de la Commission, avec pas moins de 7 rencontres présidenti­elles en deux ans et une douzaine d’appels téléphoniq­ues. Mais c’est une relation « complexe » , résume un très bon connaisseu­r, qui demande une énergie de tous les jours, une vigilance de tous les instants.

«On ne doit pas être naïf»

Bruxelles et Berne, c’est comme « un mariage » , reprend cette source. Il y a des engagement­s mutuels à tenir mais «on ne doit pas être naïf». Faire preuve de patience, voire de flexibilit­é, mais rester sur ses lignes et redoubler toujours de prudence. C’est avec cet état d’esprit que Bruxelles semble se positionne­r face à Berne, dans le souci d’éviter la tentation du «cherry picking».

Lundi après-midi, Jean-Claude Juncker devait d’ailleurs s’entretenir avec Doris Leuthard pour se convaincre que se déplacer à Berne jeudi en vaut la peine. Car cette rencontre devra servir à «redynamise­r» la relation et à se projeter dans le futur, en gardant comme objectif très concret la conclusion de l’accord-cadre institutio­nnel qui reste une «priorité absolue pour l’UE».

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