Bienvenue au paradis de l’estampe
Le Musée Jenisch inaugure un pavillon au coeur de ses espaces, où s’exposent en ce moment les oeuvres de trois plasticiennes ayant fréquenté l’Atelier de Saint-Prex. Entre contrastes et légèreté
Qu’y a-t-il de commun entre les tracés aussi fins que d’un noir intense qui caractérisent les gravures d’Ilse Lierhammer, les dessins plus légers, plus tourmentés aussi, dus à Marianne Décosterd et les noirs et blancs très contrastés dont Susan Litsios, décédée peu avant l’ouverture de cette exposition, fait vibrer le papier?
Les trois artistes ont travaillé sur les presses de l’Atelier de Saint-Prex, mais ce n’est pas leur seul point commun. On sent, entre leurs travaux respectifs, une forme d’intimité, des affinités électives. Peut-être dans les thématiques abordées, toujours d’une grande simplicité – la figure bien sûr, corps ployés, détournés, chez Décosterd, et brève série d’autoportraits de Lierhammer, le paysage, les rivières et torrents de Susan Litsios, des arbres et des fleurs évoqués par Lierhammer, esquissés par Décosterd.
35 000 feuilles
Les trois personnalités donnent un rythme ternaire à l’exposition inaugurale du Pavillon de l’estampe, qui affirme encore un peu plus la place du Musée Jenisch dans le domaine des arts graphiques.
Suite à une convention de partenariat, d’une durée de cinq ans renouvelable, avec le canton de Vaud et la Ville de Vevey, ainsi que les institutions qui ont déposé leurs fonds au Cabinet cantonal des estampes, un pas est ainsi fait en direction d’une ouverture plus large, et plus constante, de leurs collections, soit pas moins de 35 000 feuilles imprimées selon les différents procédés.
En possession du fonds le plus important, dont le conservateur est Florian Rodari, qui a conçu l’exposition, la Fondation William Cuendet & Atelier de Saint-Prex fête aujourd’hui ses 40 ans. Double occasion de réunir les trois plasticiennes dont le mode d’expression pri- vilégié est la gravure, pour l’immense intérêt technique qu’elle offre, et les possibilités de reprises et de diffusion.
Faire chanter le blanc
Chacune des trois artistes semble dans la droite filiation d’un ou de plusieurs illustres prédécesseurs, Rembrandt sans doute pour Marianne Décosterd, puisqu’une estampe du maître figure sans aucun hiatus aux côtés des siennes, Albert Yersin, dont elle fut l’élève, pour Ilse Lierhammer, même si, aujourd’hui, elle-même a tendance à renoncer aux détails minuscules pour affirmer ses contours et afficher davantage de dépouillement.
Et puis l’estampe japonaise pour Susan Litsios (une carpe, de sa propre collection, répond à ses versions de cascades), s a ns oubl i e r Va l l ott o n p our l e s contrastes et cette manière de faire chanter le blanc du papier. Le nouvel espace, d’un gris pas trop appuyé et, conservation des oeuvres oblige, sans fenêtre, offre ici une première manifestation qui augure de belles suites. Par exemple, la présentation de l’oeuvre gravé de Picasso l ’an prochain…
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