Le Temps

Sous-marin argentin: le silence de l’armée et la colère des familles

- DANIEL ESKENAZI, BUENOS AIRES @Dan_esk

L’armée a annoncé jeudi qu’elle mettait un terme à ses opérations pour trouver des survivants du sous-marin «ARA San Juan». Leurs proches continuent d’espérer et critiquent les mensonges des militaires

Les recherches pour retrouver les 44 survivants du sous-marin argentin ARA San Juan ont pris fin jeudi. C'est ce qu'a annoncé l'armée argentine, via son porte-parole, Enrique Balbi. Toutefois, les recherches vont se poursuivre pour retrouver le sous-marin disparu au large de la Patagonie le 15 novembre.

Pour les familles des marins, la fin des opérations pour retrouver des survivants est incompréhe­nsible. Le désespoir est immense. «Je me permets d'exiger du président Macri, en tant que chef des forces armées, qu'il revienne sur la décision absurde, arbitraire et injustifié­e de l'armée d'abandonner les opérations de sauvetage. Tous les efforts doivent être poursuivis comme depuis le début des opérations. Il y a plus de 4000 hommes qui recherchen­t les membres de l'équipage, une force internatio­nale est déployée. Toutes les conditions sont réunies, le climat est idéal. C'est ridicule d'arrêter maintenant. Les 44 [membres de l'équipage, ndlr] méritent qu'on poursuive les recherches. Si on ne rencontre qu'un seul survivant, cela vaudrait la peine», a lancé Luis Tagliapiet­ra, père d'un marin disparu, au quotidien argentin Clarin. Il a dit avoir appris la nouvelle de l'arrêt des recherches des survivants par la télévision.

«Ils nous ont menti»

Selon Luis Tagliapiet­ra, l'armée a arrêté de communique­r des informatio­ns sur les opérations depuis jeudi dernier, jour où une explosion à bord de l'ARA San Juan a été confirmée. «Une proportion importante des familles n'a été avisée de rien. Je ne m'étonne pas qu'ils ne nous aient rien dit. Depuis le premier jour, ils nous ont menti, ils ont caché des choses. L'unique certitude est qu'ils abandonner­ont les recherches. Je ne comprends pas les raisons pour lesquelles ils nous ont ainsi menti et manipulés. C'est pervers. Je ne mange plus, je ne dors plus. Je suis venu à Caleta Olivia [ville située à environ 1700 km au sud de Buenos Aires et proche de la base navale de Comodoro Rivadavia, ndlr], car c'est l'unique moyen de canaliser ma douleur et de faire quelque chose d'utile pour mon fils. Mais je n'arrive pas à vivre», ajoute-t-il d'une voix totalement brisée. Il conclut avec cette critique sur la fin des opérations: «S'ils n'ont pas réussi à le [sous-marin] retrouver jusqu'à présent avec tous les éléments dont ils disposent, y arriveront-ils en faisant moins d'efforts?»

Retrouver les corps

De son côté, Yolanda Mendiola, mère du sous-officier Leandro Cisneros, s'interroge tout en gardant l'espoir de retrouver l'ARA San Juan. «Allons-nous rester sans savoir s'ils sont vivants? Même si un seul est vivant, cela nous réconforte­rait», témoigne-t-elle dans le quotidien argentin La Nación. Au moment d'apprendre que l'armée argentine poursuivra­it seulement les recherches du sous-marin, elle s'emporte. «Nous ne pouvons pas retourner à la maison. Je ne partirai pas tant qu'ils ne me l'auront pas livré [mon fils, ndlr]. Les marins sont préparés, ils vont chercher les moyens de survivre», dit-elle tout en admettant que le pire est possible. Dans ce cas, elle affirme ne pas être prête à quitter la base navale de Mar Del Plata les mains vides. «Nous voulons qu'ils continuent les recherches, qu'ils trouvent les corps. Nous avons besoin de faire notre deuil», dit-elle, résignée.

La fin des recherches ne signifie toutefois pas que cette affaire devenue politique se termine. Une enquête sur la disparitio­n du sous-marin sera lancée. Marcos Peña, chef du gouverneme­nt de Mauricio Macri, a annoncé vendredi qu'il suivrait la demande de la juge Marta Yañez. Le secret militaire sera levé afin que l'enquête puisse avancer en fonction de la justice. «Nous voulons une transparen­ce totale. Il ne peut rien y avoir qui fasse l'objet d'un soupçon minime», a-t-il martelé. Concernant les rumeurs de changement­s à la tête du Ministère de la défense en raison de dysfonctio­nnements dans la communicat­ion, Marcos Peña les a balayées. «Oscar Aguad est maintenu dans ses fonctions. Ce n'est pas le moment de parler de changement­s dans l'armée. […]. Nous sommes aux côtés de la famille marine qui vit actuelleme­nt un moment très dur», a-t-il ajouté. L'armée argentine n'a fixé aucune limite de temps pour retrouver le sous-marin.

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland