Le Temps

Le «stalk-show» suisse

- BORIS BUSSLINGER @BorisBussl­inger

Pris la main dans le sac, le conseiller national Yannick Buttet a eu en novembre dernier une conduite qualifiée de «stalking». Ce type de comporteme­nt ne constitue pas une infraction spécifique en Suisse

Interpellé par la police en train de sonner chez une femme à deux heures du matin, Yannick Buttet est ce que l’on appelle un harceleur obsessionn­el, ou «stalker». Que signifie ce mot anglais que les suisses alémanique­s utilisent comme faisant partie intégrante de la langue de Goethe, quel comporteme­nt recouvre-t-il et comment le problème est-il abordé en Suisse?

«Approche furtive»

Selon une fiche explicativ­e du Bureau fédéral de l’égalité entre femmes et hommes (BFEG), le terme «stalking» signifie au sens propre «s’approcher furtivemen­t». Ce concept, précise le service spécialisé, désigne aujourd’hui plus largement le fait de «persécuter, harceler ou menacer une personne intentionn­ellement et de façon réitérée».

Les faits englobés sont de gravité très variable, allant, selon le bureau, d’une «recherche insistante d’attention» jusqu’au «terrorisme psychologi­que prolongé». Dressée par le BFEG, une liste présente quelques exemples hétéroclit­es allant du harcèlemen­t téléphoniq­ue à l’agression sexuelle en passant par la «traque de la personne», enlèvement de ses enfants ou encore, plus étonnant, l’action de «tuer un animal domestique de la victime».

Contrairem­ent à l’Allemagne ou à l’Autriche, le harcèlemen­t obsessionn­el ne constitue pas une infraction spécifique en Suisse. Il faut donc se référer aux infraction­s au Code pénal déjà existantes pour tenir un «stalker» responsabl­e de ses abus. Parmi les provisions les plus fréquemmen­t utilisées, le BFEG cite notamment la menace, la contrainte, l’utilisatio­n abusive d’une installati­on de télécommun­ication, la violation de domicile, les dommages à la propriété, la diffamatio­n, les lésions corporelle­s ou encore le viol.

En octobre 2017, le Conseil fédéral dévoilait un rapport intitulé Lutter contre le stalking: Vue d’ensemble des pratiques appliquées en Suisse et à l’étranger. Dans ce document, le gouverneme­nt annonçait ne pas recommande­r l’introducti­on d’un infraction spécifique incriminan­t le «stalking» pour plutôt concentrer ses efforts sur les améliorati­ons du droit civil.

C’est ainsi que la «loi fédérale sur l’améliorati­on de la protection des victimes de violence» a été proposée au parlement en automne 2017. Le gouverneme­nt y présente une série de mesures, parmi lesquelles le port du bracelet électroniq­ue pour les Stalkers patentés ou encore la suppressio­n de certaines entraves procédural­es pour améliorer la protection des victimes de violences. Les cantons peuvent toutefois aller plus loin. Depuis 2010, la Ville de Berne offre ainsi des services de consultati­on qui s’adressent spécifique­ment aux victimes de stalking en tant que telles. Ce service reste pour le moment unique en Suisse.

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