Le Temps

«Sans Pierre Paganini, j’aurais arrêté»

Après deux opérations et une longue traversée du désert, Stan Wawrinka a retrouvé le moral. Empêché de défendre son titre à l’US Open, le Vaudois espère être à 100% pour l’Open d’Australie. Confidence­s

- PROPOS RECUEILLIS PAR ISABELLE MUSY @Isabellemu­sy

Les rumeurs allaient bon train. Depuis une semaine, depuis l’annonce de sa conférence de presse, ses fans se sont affolés sur les réseaux sociaux, échafaudan­t les pires scénarios. Certains allant même jusqu’à prédire son départ à la retraite. Rien de tout ça heureuseme­nt. Dans les salons du Country Club, à Bellevue (Genève), où il s’entraîne quasiment tous les jours, Stan Wawrinka avait convié les médias pour donner des nouvelles. Souriant, avenant, il a pris le temps de mettre des mots sur ses maux. Et de répondre à toutes les questions. Morceaux choisis.

Comment allez-vous? Je vais bien, je vais mieux. Je ne suis pas encore à 100% mais ça va dans le bon sens. Je dois reconnaîtr­e que je sors d’une période longue et difficile, la plus difficile depuis le début de ma carrière. J’ai eu deux opérations. J’ai passé pas mal de temps sur les béquilles. Heureuseme­nt que les proches étaient présents. C’était important de les avoir.

Pouvez-vous préciser quelle était la nature exacte de votre blessure? J’avais un problème au genou depuis un an. Ça s’est déclenché à Bâle l’automne dernier. J’avais plus ou moins mal, la douleur se faisait sentir par périodes. Mais sur gazon, ça a été le point de non-retour. J’ai été opéré deux fois. La première opération consistait en une arthroscop­ie pour voir ce qu’il en était et la deuxième, beaucoup plus lourde, a permis de résorber un trou dans le cartilage. J’ai donc passé huit semaines avec des béquilles. J’ai perdu ma musculatur­e et j’ai dû tout reprendre de zéro.

Honnêtemen­t, ça a été très dur. Tous les jours, je me battais contre la douleur. C’est à l’entraîneme­nt que j’ai souffert le plus. Et sans Pierre Paganini [son préparateu­r physique], j’aurais arrêté ma carrière. Il a l’avantage de me connaître parfaiteme­nt. Il sait trouver les mots justes et surtout il est tellement bon dans ce qu’il fait, que ce soit la préparatio­n physique ou la rééducatio­n. J’ai vraiment beaucoup de chance de l’avoir.

Quel est votre degré de forme aujourd’hui? Physiqueme­nt, je travaille 6 jours sur 7 et je vais pouvoir reprendre un entraîneme­nt de tennis quotidien dès la semaine prochaine. Je n’ai recommencé à taper dans la balle que début novembre. Pendant deux mois, je n’ai pas eu le droit de retoucher à une raquette parce que je n’étais pas assez fort physiqueme­nt. J’avais perdu non seulement ma musculatur­e mais aussi tous mes réflexes. Je devais faire très attention à ma rééducatio­n, y aller très progressiv­ement et m’assurer d’abord que les muscles puissent se reconstitu­er autour du genou.

Au début, je n’avais pas le droit de sauter ni de faire de gestes trop brusques. Je souffrais de devoir donner plus pour peu de résultat. Petit à petit, j’ai pu augmenter la dose et la charge et retrouver un peu de souplesse. Par conséquent, un certain niveau physique. Je ressens encore des douleurs mais elles sont différente­s.

Quelles ont été vos sensations la première fois que vous avez pu taper à nouveau dans une balle? Ce fut un immense soulagemen­t de voir que je n’avais pas perdu mon jeu. C’était bon pour le moral de sentir que le tennis ne serait pas un problème, de me dire que même si je souffrais physiqueme­nt, le tennis allait revenir. Vu ce par quoi j’étais passé, j’appréhenda­is ce moment, je ne savais pas quelle serait ma marge.

Et mentalemen­t, par quels états êtes-vous passé? (Sourire timide.) Cette période de non-activité a été très dure moralement. Le moment le plus difficile, ce fut pendant l’US Open, J’avais gagné le droit de défendre mon titre et je ne pouvais pas honorer ça. Je suis passé par des moments très compliqués. On n’a pas envie d’être à l’arrêt. Pour être honnête, il n’y a eu aucun moment positif pendant ces cinq mois. On m’avait dit que cela me ferait peut-être du bien de rendre du recul, de prendre le temps de souffler mais ce n’est pas ce que j’ai ressenti. J’étais tellement cassé mentalemen­t que ces mois hors du circuit m’ont obligé à me refaire. Pouvoir relâcher la pression que l’on subit en permanence a été peut-être la seule petite chose positive, mais c’est minime. En tant qu’athlète, il n’y a rien de bon à retirer d’une opération.

Cette pause ne vous a-t-elle pas permis de réfléchir? Oui, et de réaliser pas mal de choses par rapport à moi-même, par rapport au circuit, par rapport à mon entourage et à la vie en général.

Est-ce que vos pairs ont pris de vos nouvelles? J’ai toujours eu une bonne relation avec les tout meilleurs et les quatre membres du «big four» m’ont écrit pour prendre des nouvelles mais j’ai été déçu en revanche par le manque de soutien d’un entourage au sens plus large.

Pendant cette période, il y a eu l’annonce de la fin de la collaborat­ion avec Magnus Norman. Comment l’avez-vous vécue? Ça a été un choc. J’ai été très surpris par sa décision et par le moment choisi. Ce fut une grosse déception qu’il décide d’arrêter à ce moment-là de ma carrière, juste avant que je ne reprenne le tennis, au moment où j’aurais eu besoin de pouvoir m’appuyer sur lui. Je n’ai pas encore trouvé son remplaçant. Yannick Fattebert, qui me suit déjà depuis plusieurs années, va augmenter son temps à mes côtés. Pour l’instant, je suis OK avec mon team. Je cherche quelqu’un pour le long terme. J’ai l’intention de jouer encore 3 ou 4 ans et j’aimerais trouver quelqu’un qui me convienne, quelqu’un avec qui j’ai un bon feeling et qui ait de l’expérience.

Certains ont évoqué la piste Paul Annacone… Ce n’est pas complèteme­nt ridicule. Avec Paul, nous avons eu un bon contact lorsque j’ai travaillé avec lui sur gazon. Après, est-ce que ça va se faire ou pas? Je ne sais pas. Il a aussi d’autres préoccupat­ions. Mais c’est une piste sur la liste…

Comment envisagez-vous l’avenir? Pour l’instant, mon but est de pouvoir disputer cette exhibition prévue à Abu Dhabi et de jouer l’Open d’Australie. J’ai encore pas mal de semaines devant moi pour être à 100%.

«Physiqueme­nt, je travaille 6 jours sur 7 et je vais reprendre un entraîneme­nt de tennis quotidien dès la semaine prochaine»

 ?? (CYRIL ZINGARO/KEYSTONE) ?? Stan Wawrinka songe à s’adjoindre les services d’un nouveau coach, lui qui compte jouer encore trois ou quatre ans.
(CYRIL ZINGARO/KEYSTONE) Stan Wawrinka songe à s’adjoindre les services d’un nouveau coach, lui qui compte jouer encore trois ou quatre ans.

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