DE SI BEAUX MONSTRES
Universal réédite ses plus beaux films d’horreur.
«La Momie», «La Fiancée de Frankenstein» et «La Créature du lagon Noir» réactivent des cauchemars immémoriaux
En 2017, Universal a lancé une offensive d’envergure: ressusciter sur grand écran les monstres qui firent trembler nos grands-parents. L’opération Dark Universe a démarré avec La Momie, un blockbuster particulièrement bruyant et confus, débordant d’effets spéciaux numériques. Histoire de mesurer la dégradation des modèles esthétiques et dramatiques, le studio réédite dans d’élégants coffrets métalliques trois fleurons de son catalogue tératologique.
La Momie (1932), de Karl Freund, fascine par son hiératisme, l’économie de ses moyens, ses noirs profonds comme des mastabas, ses effets spéciaux réduits à des jeux d’ombres. Une équipe d’égyptologues britanniques découvre la formule magique avec laquelle Isis aurait ressuscité Osiris. Il n’aurait pas fallu la lire devant le sarcophage d’Imhotep. Embaumé vivant pour avoir aimé une princesse, ce grand prêtre croit que celle-ci s’est réincarnée en la personne de l’ingénue Elisabeth. Alors il sème la mort et l’effroi pour posséder l’objet de son désir éternel. Minéral en momie vengeresse, Boris Karloff s’incruste à jamais dans les cauchemars de l’humanité.
Le même Boris Karloff reprend le rôle de la créature créée à partir de cadavres et de foudre céleste dans La Fiancée de Frankenstein (1935), de James Whale, un chef-d’oeuvre tout en clairs-obscurs éblouissants, une des rares suites supérieures à l’original. Ayant échappé à l’incendie du moulin et traqué par la meute des honnêtes gens, le monstre erre, tue et terrifie. Il trouve un peu de réconfort auprès d’un ermite aveugle, seul à même de voir la bonté de l’abominable, apprend quelques mots. Associé au Dr Pretorius, un autre savant fou, Henry Frankenstein donne la vie à une femme (Elsa Lanchester) fort coquette sous sa tignasse verticale zébrée d’un éclair blanc (le stigmate de la fée électricité). Hélas! Epouvantée à la vue de son promis, la pauvrette pousse des sifflements de cygne courroucé qui hâtent le dénouement fatal.
«C’est magnifique!» s’exclame l’élément féminin d’une expédition de paléontologues en découvrant le lagon Noir, une morne étendue d’eau croupie. Puis elle pique une tête et exécute un charmant ballet nautique. Plus bas, dans des eaux aussi troubles que son désir, un triton anoure géant observe la jeune femme et imite ses mouvements dans un simulacre de danse nuptiale. Conçu pour ramener les téléspectateurs dans les salles obscures en lui proposant les premières prises de vues subaquatiques 3D, La Créature du
lagon Noir (1954), de Jack Arnold, n’est pas un chef-d’oeuvre. Mais, écailleux à souhait, le monstre amphibien qu’il met en scène s’est installé à jamais dans le peloton de tête des icônes de la culture populaire.