La capitale du bachotage
A Nyon, on prend les mêmes et on recommence, avec la déroutante certitude que rien ne sera plus comme avant. Les commissaires qui, hier encore, péchaient par un zèle outrancier seraient aujourd’hui à même de remplir leur rôle sans arbitraire ni erreurs de jugement, grâce à un nouveau cadre rigoureux. Sauf que dans les cas qui nous occupent – un secondo de 45 ans et une Française intégrée depuis son adolescence recalés –, la Commission des naturalisations a oublié une chose: s’il faut se conformer à la lettre de la loi, il ne faut pas pour autant en oublier l’esprit.
L’esprit, dans le cas d’espèce, c’est l’évidence identitaire. Celle-ci ne se jauge pas aux connaissances théoriques. Si apprendre par coeur une brochure est à la portée de tous, sentir ce pays dans ses tripes ne l’est pas. Il faut, pour cela, du vécu, un travail, des amis, il faut y avoir des souvenirs et être pénétré d’un sentiment d’appartenance. C’est tout cela que Nyon a balayé d’un revers de main dans le cas de ces deux personnes, au prétexte qu’elles n’avaient pas assez potassé le civisme ou la géo. C’est la raison de leur souffrance.
Corsetée dans une procédure censée éviter l’injustice, Nyon en a oublié le principe de proportionnalité. Il ne suffit pas de connaître l’Inn pour être Suisse; on peut être Suisse sans connaître l’Inn. Le travail des commissaires ne doit pas être celui de profs aux vues étroites, il doit consister à apprécier le degré de suissitude du candidat. Car l’identité ne se fonde pas sur du bachotage. Pour ne pas le savoir, Nyon fabrique des Suisses théoriques et se prive des Suisses en pratique.
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