A la recherche du nouveau patron des services secrets
Guy Parmelin a reçu quelque 50 dossiers d’aspirants à la direction du Service de renseignement de la Confédération. Parmi eux, plusieurs pointures romandes. Portraits des candidats les plus en vue
Le directeur du Service de renseignement de la Confédération (SRC), Markus Seiler, a quitté son poste. Le conseiller fédéral Guy Parmelin a reçu une cinquantaine de postulations de candidats souhaitant le remplacer, a appris «Le Temps». Parmi eux, plusieurs prétendants romands de poids. Tour d’horizon
«Je ne veux pas d’un administratif pur ou d’un cow-boy.» C’est en ces termes que Guy Parmelin, chef du Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS), dresse le portrait de la perle rare qui devra remplacer Markus Seiler, devenu secrétaire général du Département des affaires étrangères (DFAE), à la tête du SRC.
Le conseiller fédéral UDC a indiqué au Temps que ses services avaient reçu une cinquantaine de postulations. Une commission de désignation va opérer une sélection, et proposera in fine une poignée de noms à Guy Parmelin, qui pourrait prendre sa décision au printemps déjà.
Le nouveau patron du SRC devra prendre en main un service qui a été entaché par quelques scandales ces dernières années, et qui doit en parallèle intégrer dans son fonctionnement les données issues de la nouvelle loi sur le renseignement, approuvée en septembre 2016.
Parmi les candidats, Le Temps a isolé quelques pointures romandes: les diplomates Christian Dussey et Jacques Pitteloud, les militaires Jean-Philippe Gaudin et Alain Vuitel, ou encore le policier Pascal Lüthi.
Ces aspirants proviennent d’univers très divers. Quel est leur profil? Quelles sont leurs chances? Alors que le SRC est en butte à une certaine méfiance de la part de la population, Le Temps a mené l’enquête.
«Je ne veux pas d’un administratif pur ou d’un cow-boy»
GUY PARMELIN, CONSEILLER FÉDÉRAL
L’annonce avait provoqué quelques haussements de sourcils dans les milieux sécuritaires et politiques. En 2009, pour diriger le tout nouveau Service de renseignement de la Confédération (SRC), Ueli Maurer avait choisi un homme qui a fait toute sa carrière au sein de l’administration fédérale, sans expérience dans le domaine du renseignement: Markus Seiler. «C’était totalement inattendu, une manoeuvre bureaucratique dans le cadre du Kremlin bernois», se souvient un initié.
Sept ans, quelques scandales et une nouvelle loi sur le renseignement plus tard, le Bernois d’obédience PLR a quitté son poste pour devenir le nouveau secrétaire général du Département des affaires étrangères.
Parer de «fortes tentatives d’espionnage»
Pour le remplacer, une cinquantaine de postulants ont fait acte de candidature, a indiqué au Temps le conseiller fédéral Guy Parmelin.
Tandis que l’annonce d’emploi restait plutôt vague sur le profil recherché, le chef du Département de la défense (DDPS) précise ses attentes: «Je ne veux pas d’un administratif pur ou d’un cow-boy. […] Je tiens aussi à saluer le mérite de Markus Seiler qui a réussi la fusion des deux services de renseignement intérieur et extérieur en 2010 et qui a mis sur pied la nouvelle loi sur le renseignement en vigueur depuis septembre dernier. Ce n’était pas évident. Il faut désormais quelqu’un qui prenne ce service en main au moment où cette nouvelle loi est applicable, où il y a de nouveaux défis, où les tentatives d’espionnage, non seulement stratégiques mais aussi logistiques sont fortes.»
Commission de désignation «neutre»
Une commission de désignation mise en place par Guy Parmelin va désormais examiner les postulations et mener des auditions afin de soumettre une liste finale de quelques noms au ministre. Sa décision pourrait tomber au début du printemps déjà.
Cet organe est composé de la secrétaire générale du DDPS Nathalie Falcone-Goumaz, du chef des ressources du département Marc Siegenthaler ainsi que d’un panel de politiciens, experts en matière de droit, de sécurité et de politique extérieure. Il s’agit du conseiller d’Etat zurichois Mario Fehr (PS) et des anciens conseillers aux Etats Luc Recordon (Vert/VD), Dick Marty (PLR/TI) et Paul Niederberger (PDC/NW).
«Nous avons ainsi une palette de gens que nous ne pouvons soupçonner de privilégier telle ou telle personne», souligne Guy Parmelin.
En septembre 2016, la nouvelle loi sur le Renseignement qui donne aux espions helvétiques davantage de moyens en matière de surveillance informatique et des télécommunications a été approuvée à 65,5% des voix. Mais il subsiste dans l’opinion publique une certaine méfiance envers le SRC.
Marqués par l’affaire des fiches, les Suisses tiennent au respect de leur liberté individuelle. La diversité des membres de la commission de désignation doit garantir que le nouveau chef du SRC fasse preuve d’une sensibilité suffisante à cet égard.
Choix final à l’instinct du chef
La priorité sera donc donnée aux compétences et à la personnalité des candidats. Le sexe et la provenance seront secondaires, assure Guy Parmelin, auquel le reproche est parfois fait de privilégier systématiquement la candidature de Romands aux postes clés de son département.
Reste que des hameçons ont été lancés auprès de personnalités féminines latines légitimes à occuper la fonction a appris Le Temps. La cheffe de la police genevoise, Monica Bonfanti, a ainsi été sollicitée. «Il est exact que j’ai été approchée mais je n’ai pas fait acte de candidature pour ce poste», confirme-t-elle.
L’objectif est de parvenir à une nomination le plus tôt possible. «Mon calendrier idéal serait fin mars-mi-avril», indique Guy Parmelin. Qui va se fier à son instinct au moment de choisir le candidat qu’il présentera au Conseil fédéral. «J’auditionne systématiquement mes cadres supérieurs avant de les engager, dit-il. Souvent, à la manière dont ils me regardent ou dont ils parlent, je sais rapidement s’ils cherchent à me faire plaisir ou s’ils sont francs. J’ai besoin de personnes qui me disent les choses et me conseillent. Ensuite, c’est moi qui assume le risque politique.»
Selon l’expert militaire Alexandre Vautravers, la loyauté, la proximité et la confiance du chef du DDPS envers le futur patron des renseignements seront déterminantes pour le choix du candidat. Et plus son parcours sera diversifié, meilleures seront ses chances: «Il ne faut pas quelqu’un qui n’ait qu’une seule corde à son arc: diplomate, policier, militaire, mais qui sache appréhender des questions complexes dans un climat politique tendu.»
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«J’ai besoin de personnes qui me disent les choses et me conseillent. Ensuite, c’est moi qui assume le risque politique»
GUY PARMELIN, CONSEILLER FÉDÉRAL, PATRON DU DDPS