Le «bashing», comment ça marche?
Mercredi, Le Temps interviewait le récent ambassadeur américain en Suisse concernant Donald Trump et sa venue à Davos.
Le ton calme et posé de l’article étonnait car, pour une fois, il s’agissait de donner la parole à un interlocuteur appréciant le président et ne s’en cachant pas. Aux questions qui lui étaient soumises, Edward McMullen apportait une réponse circonstanciée et affable. L’image générale du président américain en sortait, sinon grandie, du moins améliorée: ses manières seraient celles d’un NewYorkais pur sucre, peu enclin à la nuance et à la pondération; son America first n’équivaudrait pas à un nouveau Deutschland über alles, mais à une volonté de prioriser les intérêts américains; son attitude surprendrait parce que l’homme n’est pas un politicien, ni ne veut l’être… Votre Excellence, merci pour ce moment.
Chacun a le droit de ne pas apprécier les manières du président américain, ni ses tweets,
ni son langage trop direct et parfois vulgaire, ni sa façon de se coiffer… En revanche, il est nécessaire de discuter sans parti pris certaines de ses options politiques, une fois débarrassées de la façon outrancière qu’il a de les présenter. Son récent succès sur la baisse des impôts en fait partie. Malheureusement ce n’est plus possible, tant le bashing anti-Trump fait rage. Sens du mot: dénigrement permanent, dérouillée, rossée.
La violence des médias américains à l’égard du président, leurs attaques qui virent au harcèlement et leur acharnement à trouver des failles permettant de le destituer, sont symptomatiques de leur politisation à outrance. On y trouve des journaux ou des chaînes clairement engagés pour les républicains ou pour les démocrates, ne rechignant pas aux fake news si nécessaire (voir les déboires du Washington Post ou de CNN). Mais il y a d’autres manières d’influencer les esprits qui, pour être moins clairement identifiables, n’en sont pas moins insidieuses. Petit précis de désinformation à l’américaine.
Le choix des photos. Rien n’est plus parlant qu’une image et nombreux sont les lecteurs qui s’en contentent,
avec la légende et le titre, omettant de lire l’article plus nuancé qui l’accompagne. Les photos sont un excellent vecteur émotionnel: en présentant quelqu’un qui sourit affablement ou qui fronce les sourcils, la perception que le public aura de lui s’en trouvera influencée et les stéréotypes renforcés, ce d’autant plus si le procédé est systématique. Quelques exemples: personne représentée la bouche déformée parce qu’elle est en train de parler, ce qui lui donne l’air de vociférer; photos doigt pointé sur son interlocuteur de façon menaçante alors qu’on ignore le contexte de la conversation; photos où elle est fortuitement ridicule dans une circonstance de la vie quotidienne… Allez sur Google, tapez le nom de Trump et cliquez sur Images, en omettant de vous attarder sur les prises de vue officielles, puis faites-en autant avec Barack Obama. Vous aurez tout compris!
Le choix des mots. Le président américain est rarement désigné comme tel, ce qui le replacerait dans sa fonction,
mais plutôt comme «le milliardaire», «le magnat de l’immobilier», ou son nom tout seul. De même, le choix des verbes influence le sens donné à l’action rapportée. Trump ne remporte pas une victoire sur un adversaire, il «fanfaronne». Il ne s’exprime pas, il «assène». Il ne critique pas, il «fustige». Il ne décide pas, il «impose»… Les journaux états-uniens en sont même venus, sans aucun respect pour leur profession, à pratiquer les injures avec, à leur décharge, le fait que le principal intéressé ne s’en prive guère non plus…
Toutes ces méthodes qui caractérisent les médias outre-Atlantique doivent être dénoncées et la vigilance du public éveillée sur les moyens qui servent à l’influencer plutôt qu’à l’informer. La façon dont sera rapportée la visite de Donald Trump à Davos sera en la matière un excellent exercice d’observation.