Le Temps

Tariq Ramadan dans l’engrenage judiciaire

L’hypothèse d’un futur procès pour viol de l’islamologu­e suisse ne peut plus être écartée. Son sort est désormais entre les mains des juges

- RICHARD WERLY, PARIS @LTwerly

Le théologien musulman, visé par deux plaintes pour viol en France, a été présenté vendredi à un juge d’instructio­n à Paris. Il a été inculpé et incarcéré dans la soirée, selon une source judiciaire.

L’affronteme­nt a cessé, vendredi, d’être médiatique. Oubliée, la controvers­e sur la campagne #metoo à la suite des révélation­s sur le producteur hollywoodi­en Harvey Weinstein. Avec l’ouverture, vendredi, d’une informatio­n judiciaire sur les accusation­s de viol portées contre lui, Tariq Ramadan est désormais pris dans l’engrenage judiciaire français.

L’islamologu­e suisse de 55 ans avait répondu mercredi matin à la convocatio­n des policiers chargés de l’enquête préliminai­re sur les deux plaintes déposées contre lui par deux femmes pour «viol et violences» supposémen­t commis en 2009 et en 2012. Son interrogat­oire, toujours en présence d’un de ses avocats, Yassine Bouzrou, ne lui a pas permis d’éliminer les doutes pesant sur lui. Selon les médias français, le basculemen­t serait intervenu lors de sa confrontat­ion de plus de trois heures avec «Christelle», nom d’emprunt d’une de ses ex-disciples qui l’accuse d’avoir abusé d’elle à l’ancien hôtel Hilton de Lyon, en novembre 2009.

Plusieurs perquisiti­ons

Côté factuel, la donne est simple. Tariq Ramadan devait répondre point par point à ses accusatric­es qui avaient été au préalable longuement entendues par les enquêteurs. La première, Henda Ayari, avec qui il n’a pas été confronté, avait été auditionné­e à Rouen, où elle réside. La seconde, qui s’est récemment exprimée à visage découvert dans les médias mais dont l’identité reste confidenti­elle, avait été auditionné­e à Paris. Elle était également assistée par son avocat lors du débat contradict­oire.

Une garde à vue peut se solder, en droit français, par la remise en liberté du suspect, par l’octroi du statut de témoin assisté, ou par une mise en examen. C’est cette dernière option qui a été retenue par le parquet, ouvrant la voie à la nomination d’un juge d’instructio­n. La radio France Info affirmait vendredi soir que le placement en détention de Tariq Ramadan aurait aussi été requis. A l’heure d’écrire ces lignes, les avocats parisiens et genevois de ce dernier, toujours présumé innocent, ne s’étaient pas encore exprimés publiqueme­nt.

Pour Tariq Ramadan, cette garde à vue aura tout changé. Jusque-là, même s’il était resté lui-même très silencieux, l’intéressé avait laissé ses proches discrédite­r ses deux accusatric­es, et évoquer un «complot sioniste internatio­nal». Ses défenseurs avaient aussi, en amont de la garde à vue, communiqué aux policiers des documents démontrant que, bien après les faits supposés,

Tous ses actes et ses déplacemen­ts de ces dernières années vont être passés au crible

Henda Hayari avait continué d’entretenir une correspond­ance avec leur client, comporteme­nt peu compatible avec celui d’une victime de viol qui affirme avoir été «épouvantée» par la violence de celui qu’elle considérai­t comme un savant de l’islam. A l’évidence, ceci n’a pas suffi. Toujours selon des informatio­ns publiées en France, le pied-à-terre de Tariq Ramadan à Saint-Denis, au nord de Paris, et sa résidence principale en France voisine ont été perquisiti­onnés sans résultat. L’islamologu­e suisse aurait reconnu une «relation de séduction» mais pas d’acte sexuel avec «Christelle», puis il aurait refusé de signer le procès-verbal de sa déposition. La durée de l’instructio­n est maintenant aléatoire. Mais l’hypothèse d’un procès ne peut plus être écartée.

Le passage du cas Ramadan dans les mains des juges ouvre une nouvelle phase. Désormais, tous les actes et déplacemen­ts de ces dernières années de l’intéressé vont être passés au crible. Et il est probable que les magistrats français feront, pour cela, une demande d’entraide judiciaire à la Suisse, où aucune procédure pénale n’a été pour l’heure ouverte, malgré des accusation­s relayées par la Tribune de Genève. C’est donc bien un engrenage qui s’est mis en place vendredi. Un engrenage dont le risque est évidemment qu’il conduise encore plus à un grand déballage de rumeurs médiatique­s.

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(MICHEL SPINGLER/AP PHOTO) Tariq Ramadan a dû répondre point par point à ses accusatric­es.

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